11 juillet 2002

Egypte - Loi antidémocratique

Avec la nouvelle loi sur les associations, le gouvernement égyptien compte museler la société civile. Mais rien n’est encore joué et la mobilisation a commencé pour empêcher son application, prévue d’ici un an.
La loi d’urgence de 1981, mise en place après l’assassinat de Sadate, régit la vie collective en Egypte: il est ainsi interdit de manifester, de constituer un parti politique, d’organiser des réunions publiques... sauf autorisation. Dix mille prisonniers politiques croupissent dans les geôles du pays, nombre d’entre eux ont dû subir des simulacres de jugement devant des tribunaux militaires.
Le gouvernement semble décidé à restreindre encore, si c’est possible, la marge de manoeuvre de la société civile. C’est chose faite avec la nouvelle loi sur les associations. En deux temps trois mouvements tout était ficelé et voté. Le débat n’est pas nouveau. En 1999, le gouvernement avait passé la loi 153 sur les associations qui avait été annulée par la Haute cour constitutionnelle après les mobilisations populaires. Il revient maintenant à la charge, en imposant un texte encore plus dur.

Tout d’abord, toute forme d’activité collective devra être déclarée et enregistrée auprès du ministère des Affaires Sociales (article 4). Ledit ministère a le pouvoir de dissoudre les associations qui passent outre la loi (article 42). Il s’agit tout simplement de museler toutes les ONG qui ne se conçoivent pas comme les partenaires du gouvernement dans la société civile. L’article 11 interdit aux associations de mener des activités politiques et syndicales (une clause taillée sur mesure pour le Center for Trade Unions and Workers Solidarity - CTUWS, une ONG de défense des droits des travailleurs), l’article 17 leur interdit d’envoyer ou de recevoir un financement de l’étranger. Enfin, les prérogatives du ministère des Affaires sociales deviennent illimitées: il aura un droit de regard sur la vie interne de l’association. Le ministre aura le droit de dissoudre l’ONG si elle travaille dans plus d’un domaine, si elle mène des activités politiques ou sociales, si elle participe à des réseaux internationaux, si elle est financée ou si elle reçoit des dons.
Toute une série d’ONG qui ne sont pas le prolongement du gouvernement dans la société civile continuent leur travail assidu de défense des citoyens: le CTUWS dans le domaine des travailleurs, le Centre la terre dans celui des paysans, le Centre Al-Nadim offre un accueil psychologique aux victimes de la torture, le Centre Hisham-Moubarak s’occupe plus généralement des droits de l’Homme, etc. Ce travail, sans concession envers le gouvernement, n’est évidemment pas pour plaire au pouvoir en place.
Mais rien n’est encore joué. Il reste en effet un an avant l’application de la loi. Un temps qu’il faut utiliser pour développer la mobilisation la plus large possible contre ce texte antidémocratique. Cette loi ne concerne pas seulement les ONG, mais tous ceux pour qui la démocratie reste un combat à gagner. En Egypte même, mais aussi sur le plan international.
Au Caire, Leïla Badawi