10 octobre 2003

L'éducation en grève en Algérie - Pour la reconnaissance

Redouane Osmane est le secrétaire général du Conseil des lycées d'Alger (CLA). Il nous explique où en est le mouvement en cours dans l'Education.
- Les personnels de l'Education, en Algérie, sont engagés dans un mouvement de protestation...
Redouane Osmane - Notre mouvement a commencé en hiver, autour de trois revendications :
- les augmentations de salaire à 100 % ;
- la baisse de l'âge de la retraite à 27 ans d'exercice effectif ;
- la promulgation d'un statut des enseignants du secondaire.
Nous avons appelé à une première coordination de la wilaya d'Alger. En janvier et février, nous avons fait grève dans le secondaire, avec occupation de l'espace public. Le mouvement s'est très vite amplifié et a eu de l'écho dans les autres wilayas.
A partir de ce moment-là, nous avons essayé de lancer une coordination de wilayas et nous nous sommes heurtés à des gens qui voulaient construire une chapelle syndicale et non un mouvement de lutte. Ils ont voulu faire une OPA sur le mouvement et ont essayé de lancer la Coordination nationale des professeurs d'enseignement secondaire et technique, qui se voulait être un syndicat.
- Qui étaient ces personnes ?
Redouane Osmane - C'est le courant islamiste à l'intérieur de l'Education. Nous avons rompu avec toutes ces bonnes gens qui venaient de l'intérieur du pays. Nous avons dit qu'Alger resterait autonome par rapport à ses revendications même si elle appelle à des mobilisations nationales.
La wilaya d'Alger a mené seule trente-sept jours de grève auxquels le ministre a répondu par une possibilité de radiation de tous les enseignants qui ne reprendraient pas le travail trente-huit heures après. Cela a entraîné une mobilisation nationale. Et nous avons brûlé l'ultimatum le 21 mai devant le siège du ministère, avec des centaines de personnes des lycées. (On représente une centaine de lycées au niveau d'Alger, sur 112.)
- Qu'en est-il aujourd'hui ?
Redouane Osmane - Nous avons boycotté les corrections de la deuxième cession du bac pendant deux heures. C'était un avertissement. Vingt-deux personnes ont été arrêtées par la police. En solidarité, tous les centres de correction ont été bloqués pendant toute la journée. Huit heures après, nous étions relâchés.
On a appelé, pour les 27, 28, 29 septembre, à une grève nationale de trois jours. Ça a très bien marché. Et là les autres [les islamistes, ndlr] ont essayé de se rapprocher de nous. Notre mouvement est très médiatisé, donc ils ont peur que leur base leur demande l'unité.
La mobilisation, cette fois, est nationale. L'appel a été entendu. Et le 5 octobre, on récidive avec une protestation pour la défense des droits et du statut de l'enseignant. Même certains syndicats agréés nous ont rejoints.
Le gouvernement mène une campagne contre ces grèves, contre le droit de grève. Parce que notre mouvement a brisé le consensus qui s'était dégagé avec la centrale syndicale UGTA.
Pour le moment, nous essayons de faire bouger les gens au niveau national et de faire émerger des pôles autonomes. A Alger, notre mouvement est dominé par les femmes, et nous voudrions élargir ce type d'expérience à d'autres wilayas.
Propos recueillis par Charlotte Daix
Rouge 2034 09/10/2003