30 juin 2006

MALI - Contre la privatisation des chemins de fer

À l’invitation de plusieurs associations et syndicats, une série de réunions publiques a lieu, en ce moment, en France, contre la privatisation des chemins de fer du Mali.

Rarement une lutte a autant résumé les défis que nous avons à relever. Depuis une vingtaine d’années, des privatisations ont lieu dans le monde entier. Mais dans un pays comme le Mali, leurs conséquences sont encore plus néfastes que dans les pays industrialisés : l’obsession de la rentabilité à court terme qu’a entraînée celle des chemins de fer, en 2003, se traduit non seulement par des licenciements massifs de cheminots, mais aussi par une suppression partielle du trafic voyageurs.
Plus de deux tiers des gares et haltes ont été fermés (26 sur 36) au Mali, pays où le rail représentait l’un des principaux moyens de circulation. De nombreux villages sont inaccessibles par la route et c’est autour du rail que se sont développés villages et vergers. La possibilité de vendre des productions maraîchères et d’accéder aux centres de santé est gravement menacée. Se déplacer pour percevoir sa retraite devient une véritable épreuve. Il en résulte une aggravation considérable de la misère pour une population qui fait déjà partie des plus pauvres du monde. La contradiction entre mainmise de capitaux privés et satisfaction des besoins sociaux élémentaires est ici caricaturale.
Le renforcement de la domination impérialiste est on ne peut plus clair : une quarantaine d’années après la fin de l’empire colonial français, il s’agit de la recolonisation économique pure et simple d’une infrastructure essentielle par des capitaux nord-américains et français. Mais simultanément, autour du refus de cette privatisation, se dessinent les contours d’une alternative : celle tracée par l’union réalisée au Mali par des syndicats et des associations dans le cadre du Cocidirail. Fondé en 2003, dans tout le pays, celui-ci multiplie meetings de protestation, émissions de radio et campagnes d’affichage.
Dans l’entreprise, les organisations syndicales sont également actives. Une grève a eu lieu en mars 2005, les revendications portant sur l’hygiène et la sécurité, l’élection de délégués du personnel, la participation au conseil d’administration de la société, l’égalité de traitement et l’harmonisation des salaires entre la société malienne et celle, plus avantageuse, du Sénégal.
Face à l’impact de cette campagne, la direction de la compagnie de chemins de fer, Transrail, n’hésite pas à riposter par la répression : elle a notamment licencié - sans salaire ni indemnités - le président du Cocidirail. Ne se contentant pas de développer la mobilisation populaire sur place, Cocidirail multiplie les alliances au niveau international. Dans les forums sociaux, avec l’Internationale syndicale des transports, la CGT ou Solidaires, avec ATTAC, Peuples-solidaires, etc. Deux syndicats sont implantés à Transrail : le Sytrail, créé en octobre 2003, et le Fetrail. 9 % des parts de Transrail appartiennent au personnel, mais celui-ci n’est pas représenté au sein du conseil d’administration.
Correspondant• Extrait de la pétition adressée au président du Mali, Amadou Toumani Touré, à l’initiative du Réseau solidarité de peuples solidaires (intégralité du texte sur ) : « [...] Le Cocidirail se mobilise depuis 2003 pour “rendre le chemin de fer au peuple”. Il demande notamment le respect des droits acquis des cheminots de toutes les générations, l’égalité de salaires pour les mêmes postes, le respect de la convention de concession et de tous les accords signés, la réouverture inconditionnelle des gares et haltes, le rétablissement des retraités et rentiers dans leurs droits. Je soutiens ces requêtes et regrette que M. Tiécoura Traoré, président du Cocidirail, ait été licencié le 11 octobre 2004 sans salaire, prime ni indemnité, en raison de ses activités militantes. M. Traoré devrait être réintégré dans l’intégralité de ses droits. [...] »

Rouge 2006-06-30