10 novembre 2006

Complicité de génocide : nouvelle diversion

Avec l’aval du parquet, le juge antiterroriste vient de lancer des mandats d’arrêts internationaux contre des proches de Kagame, président du Rwanda, entraînant une rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Une affaire d’Etat.

En 1990, le régime rwandais protégé par la France est menacé par le FPR. Le Rwanda devient un laboratoire de l’armée française, qui va y perfectionner sa doctrine de la « guerre totale » (manipulation des masses par la terreur et la propagande), épousant le développement de la logique génocidaire du régime. Le soutien actif des autorités françaises aux génocidaires (soutien militaire, financier, diplomatique et médiatique) s’est poursuivi non seulement pendant le génocide, mais même après la victoire du FPR, aidant les vaincus à préparer leur revanche et menant un travail de sape au niveau international contre le nouveau régime, qui connaît par ailleurs une dérive autoritaire.

Généalogie du rapport Bruguière
En 1998, plusieurs articles du journaliste Patrick de St Exupéry dans Le Figaro et le travail de plusieurs associations conduisent à l’ouverture d’une Mission d’information parlementaire sur le rôle de la France dans le génocide. Celle-ci reconnaitra avoir été victime de manœuvres d’intoxication par les services français, sur la question de l’attentat. C’est à ce moment que le juge Bruguière est saisi d’une plainte concernant l’attentat contre l’avion du dictateur Habyarimana, notamment par la femme du dictateur abattu, réfugiée et protégée en France. Cette procédure judiciaire a permis que Paul Barril ne soit pas entendu par la Mission parlementaire. Cet ex-super gendarme de l’Elysée, toujours très liés aux services secrets, était sous contrat avec les génocidaires pendant le génocide. Le rapport Bruguière, périodiquement annoncé comme imminent depuis 2000, sert également à faire diversion par rapport à la question de la complicité de la France, comme en 2004 sous le plume de Stephen Smith (Le Monde), au moment de la 10ème commémoration du génocide. Dans la propagande négationniste, activement relayée en France, dont Pierre Péan constitue un bon exemple, il s’agit même d’inverser les responsabilités selon le grossier syllogisme suivant : l’attentat contre Habyarimana a « déclenché » le génocide, or Kagame est responsable de l’attentat, donc c’est lui le véritable responsable du génocide. Evacuée la question de la planification du génocide par le clan Habyarimana, absous les véritables génocidaires et leurs complices…

Qui est responsable de l’attentat ?
La responsabilité du FPR est une hypothèse parmi d’autres, mais ce n’est pas la plus pertinente. D’autres hypothèses plus crédibles mettent en avant le rôle joué par la fraction la plus extrémiste du régime rwandais, voir la participation de mercenaires français… Dans son rapport, Bruguière évacue rapidement des éléments pourtant attestés par la mission d’information parlementaire ou le TPIR et qui laissaient ces pistes ouvertes. Il s’appuie principalement sur les militaires ou les services français ou des personnages douteux manipulés par eux. Pourquoi sortir maintenant ce rapport ? Le Rwanda a mis en place une commission d’enquête publique sur la responsabilité française dans le génocide, dont la presse commence à se faire l’écho. Et plusieurs rescapés rwandais ont déposé des plaintes devant le Tribunal aux Armées de Paris qui vont finalement devoir être traitées. Enfin, à la demande insistante du TPIR, qui juge actuellement les principaux responsables du génocide, la France devait laisser témoigner (mais à huis clos et sous plusieurs conditions restrictives) des militaires français, en particulier Grégoire de Saint Quentin, qui a été le premier à accéder à l’épave de l’avion abattu. La France vient finalement de revenir sur son accord, « pour raison de sécurité », après la sortie du rapport …
Et Bruguières annonce qu’il sera candidat aux prochaines législatives sous l’égide de Sarkosy. Apolitique, bien sûr …
Sam Cèze

10 nov 06