21 avril 2007

Le colonialisme militaire de la France

Le colonialisme militaire de la France


En quarante la France a procédé à plus d’une trentaine d’interventions militaires en Afrique. Elle y maintient une présence armée permanente sur un continent déchiré par les conflits armés. Depuis les années 90, la France s’oriente vers une nouvelle stratégie visant à l’émergence de forces africaines censées garantir la paix. Rupture avec la politique d’antan ou simple maquillage d’une politique colonialiste ?


La présence militaire française ne se résume pas uniquement aux forces, quelles soient pré positionnées comme au Gabon (1000) à Djibouti (3000) et au Sénégal (1200 ), ou dans le cadre des Opérations extérieures (OPEX) comme au Tchad (1100) pour l’opération Epervier, le Togo dans le cadre de DETAIR, en golfe de Guinée dans le cadre de CORIMBE, 300 hommes de la Marine Nationale, en République Centrafricaine, 200 hommes. Elle intègre l’animation d’un réseau, celui des Ecoles Nationales à Vocation Régionale (ENVR) qui sont des centres de formation militaire spécialisés allant du perfectionnement du maintien de l’ordre pour l’école d’Awaé au Cameroun à l’enseignement pour les membres d’état-major dispensé à l’école Koulikoro au Mali. Elles sont au nombre de 14, implantées dans les pays d’Afrique centrale et de l’ouest. Il faut ajouter les déploiements de stages qui en 2006, ont bénéficié à plus de 750 militaires africains la plupart officiers.

Enfin, pour être complet, il convient d’ajouter les missions de coopération militaire et de défense présentes dans chaque ambassade. Pour l’Afrique, cela représente plus de 300 officiers des différents corps de l’armée française, sans compter les Services de Coopération Technique International de Police (STCIP).

Nous n’évoquons que l’officiel, le légal, et laissons de coté les mercenaires et autres conseillers spéciaux à la sécurité des présidents africains ou des grandes entreprises françaises qui sont souvent des anciens de la DGSE ou des militaires relevant du Commandement des Opérations Spéciales (COS).


Tout ce dispositif présenté comme une coopération, sert surtout à formater les armées du pré carré africain de la France, à développer des liens formels et informels entre « frères d’armes » permettant d’affermir un contrôle de l’ancienne puissance coloniale sur les Etats africains. La France, qui se veut le garant de la stabilité de la région, devient surtout le garant de la stabilité des pouvoirs en place. Un environnement particulièrement propice à la réalisation de juteux profit pour les grandes entreprises hexagonales.


Si cette situation perdure, c’est parce qu’existe dans la classe politique un véritable consensus sur la politique africaine de la France. Consensus pour que ces affaires relèvent du président de la République et plus précisément de la cellule africaine, consensus pour que certaines clauses des contrats liant les pays africains et la France demeurent confidentielles. Consensus pour que les interventions de l’armée puissent s’effectuer en dehors de toutes décisions ou même informations du Parlement avec des risques d’autonomisation de l’armée française sur le terrain. C’est précisément cette situation qui a permis que l’armée française soit complice du dernier génocide du 20ème siècle celui du Rwanda. Mais, même cette terrible tragédie n’a pas provoqué un choc salutaire parmi les états majors des partis gouvernementaux de droite ou de gauche.


Ainsi, depuis des mois, les troupes françaises combattent directement les rebelles au Tchad dans le seul but de maintenir le dictateur Idriss Déby, empêchant de fait toutes solutions politiques dans le pays, mais c’est aussi un facteur de conflit au Darfour puisque N’Djaména soutient les rebelles opposés au gouvernement du Soudan. Intervention également en République Centrafricaine ou les hommes de la 11° brigade parachutiste encadrent les Forces armées centrafricaines (FACA) coupables de pillages, d’exécutions sommaires et de viols, et bombardent régulièrement la région de Birao. Cette politique est menée en l’absence de tout vote, de tout contrôle, de tout débat, de toute information sans qu’aucun parti à lAssemblée s’en offusque vraiement.

En fait c’est assez simple. En France, pour faire la guerre en Afrique il suffit de dire que l’on défend la paix.


Depuis 1994, la France s’est orientée vers une nouvelle stratégie baptisé RECAMP (Renforcement des Capacités Africaines de Maintient de la Paix). L’idée est de former des bataillons militaires dans différents pays appartenant à l’Afrique centrale et de l’ouest, capables d’intervenir pour maintenir la paix. Il ne s’agit pas de former une structure permanente mais seulement de faire intervenir ensembles les différents acteurs.

Cette situation est diversement appréciée parmi les organisations anticolonialistes. Ainsi Survie, qui par ailleurs fait un travail tout à fait remarquable et courageux de dénonciation de la politique néocoloniale de la France, se prononce pour le retrait des troupes française d’Afrique à l’exception de celles qui participent à RECAMP. En effet dans « Les 8 propositions de Survie pour une réforme de la politique de la France en Afrique » on peut lire dans le chapitre « Encadrer strictement la coopération militaire et contrôler les transferts d’armements : Fermeture des bases militaires permanentes en Afrique hormis celles prévues dans le cadre du programme de Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP) ».


Il convient de noter que dans l’essentiel des affrontements infra-étatiques en Afrique, les Etats voisins sont souvent partis prenantes, actuellement au Darfour où Tchad et Soudan soutiennent chacun les rebelles du voisin, ou l’exemple récent du Burkina-Faso soutenant les rebelle du Nord de la Côte d’Ivoire. On voit donc mal des pays fournir des troupes neutres dans des conflits où ils sont impliqués même marginalement.


D’ailleurs en quinze ans d’existence, si on fait un bilan, le dispositif RECAMP est intervenu cinq fois dont trois de manière marginale. Par contre là où il a eu un rôle central, il a été totalement inféodé aux exigences de la politique française. Sa première intervention fut en Février 1997 pour remplacer les troupes françaises qui étaient aux cotés de la garde présidentielle, son rôle a été de protéger le dictateur Ange Félix Patassé coupable de crimes de guerre. La seconde intervention est en Guinée Bissau en 1999, pour remplacer les forces sénégalaises et guinéennes en soutient à la dictature de Joâo Bernardo Vieira.


RECAMP ne représente qu’un élément parmi d’autres dans la stratégie colonialiste de la France. Elle s’en sert soit comme une sous-traitance pour intervenir en soutien à des dictatures, soit à légitimer la présence des militaires français en Afrique sous prétexte de coopération.


Comment peut on faire confiance à la hiérarchie militaire française qui a formé toutes les armées africaines et autres gardes présidentielles de son pré carré, qui représentent une véritable menace pour la démocratie et pour les peuples ? Les exemples récents de Guinée du Togo de Centrafrique, sans parler de du Rwanda le prouvent tragiquement.


Plus généralement, ne laissons pas croire que la France sur le continent Africain est source de paix , de défense de la démocratie. Bien au contraire, elle est un élément majeur de déstabilisation et une source récurrente de guerre.


Paul Martial


Le 21/04/07