Fin mars, une intervention de l’Union Africaine a mis fin, à la demande du gouvernement fédéral des Comores, au règne de Mohamed Bacar sur l’île d’Anjouan. Ce dernier venait de s’autoproclamer à nouveau vainqueur d’un scrutin truqué en juin 2007, et refusait d’organiser les élections conformément aux règles constitutionnelles comoriennes. Plus que d’un nouveau coup d’Etat, il s’agissait d’une nouvelle tentative de sécession. Les crises séparatistes, alimentées en sous-main par la France, menacent depuis dix ans l’unité des Comores. Après les accords de Fomboni en 2001, la République fédérale islamique des comores devenait l’Union des Comores. Une nouvelle constitution, censée mettre fin aux crises séparatistes, organisait une certaine autonomie de chaque île, Mohéli, Anjouan et la Grande Comore, l’ensemble étant présidé pour quatre ans par un président issu d’une des îles à tour de rôle. Mohamed Bacar avait pris le pouvoir par un putsch peu auparavant sur d’Anjouan et s’y était maintenu depuis. Formé par l’armée française, il était considéré comme le pantin des services français, de même que le colonel Azali sur la Grande Comore de 1999 à 2006.
Après avoir imposé un très long règne de Bob Denard et de ses mercenaires, ce soutien à des dictateurs très peu attachés à l’unité de l’archipel vise essentiellement à affaiblir toute revendication de rattachement de Mayotte aux Comores. Si la France se maintient sur cette île depuis 1975 malgré l’indépendance et le référendum de 1975, c’est en effet en violation d’une vingtaine de résolutions de l’ONU demandant le respect de l’intégrité territoriale des Comores. Après quelques réticences, relayées par l’Afrique du Sud, la France a officiellement soutenu l’intervention conjointe des forces comoriennes et de l’Union africaines contre le régime de Bacar, transportant quelques troupes tanzaniennes jusqu’à l’île voisine de Mohéli. Mais le masque est rapidement tombé. Alors que l’intervention avait débuté, Bacar disparaissait mystérieusement avant de réapparaître à Mayotte, le mercredi 26 mars. Il y déposait immédiatement une demande d’asile politique, dont Yves Jégo, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer s’empressait d'annoncer l'examen, alors que Mohamed Bacar est sous le coup d’un mandat d’arrêt international déposé peu de temps auparavant par les autorités comoriennes pour « torture et rébellion ».
La protection accordée à Bacar par les autorités françaises a immédiatement déclenché de vives réactions dans la population comorienne, notamment anjouanaise. A Mayotte, l’administration, mais aussi les ressortissants français ont été pris pour cible. A Marseille, où vit une importante communauté comorienne, une manifestation a réuni un bon millier de personnes, avec une présence remarquée et appréciée de la LCR. Le 27 mars, au prétexte des troubles à l’ordre public que sa présence causait à Mayotte, Bacar a été exfiltré en avion militaire vers l’île de la Réunion, où il devait être jugé pour « détention d’armes » et « entrée illégale sur le territoire français », la France refusant de répondre à la demande d’extradition formulée par Moroni. Mais le 29, le tribunal correctionnel de Saint-Denis de la Réunion annulait la procédure engagée contre Bacar et ses hommes pour vice de forme (la garde à vue de ces derniers n’ayant pas respecté les formes légales). Ils étaient alors simplement assignés à résidence en attendant la réponse de l’Ofpra. Le 23 avril, la préfecture annonçait que l’asile politique avait été accordé à deux des hommes de Bacar, et refusé à six autres. La France osera-t-elle l’accorder à Bacar ?
Entre temps, le ton est monté entre les autorités comoriennes et françaises. Alors que le président Ahmed Abdallah Sambi, avait mis en sourdine les revendications concernant Mayotte après son élection en 2006, les autorités comoriennes viennent d'interdire à toutes les entreprises de transport de prêter leur concours à l’expulsion des « clandestins » comoriens présents à Mayotte, le ministre de l’intérieur affirmant qu'il n y avait « pas de raison que les Anjouanais n'aillent pas à Mayotte car Mayotte était une terre comorienne et qu'elle avait vocation à le redevenir juridiquement ». Propos jugés « parfaitement inacceptables » par Kouchner. Les élus mahorais, majoritairement UMP, ont relancé leur demande de départementalisation de Mayotte et un référendum sur cette question a été promis par le gouvernement français avant un an.
Robin Guébois
Solidarité et justice pour le peuple COMORIEN !
Après 150 ans de colonialisme sanguinaire, après avoir transformé les Comores en base arrière des interventions criminelles et des trafics divers de la Françafrique pendant la guerre froide (sous la botte de Bob Denard et avec la complicité de l’Afrique du Sud de l’Apartheid), après avoir alimenté de multiples crises séparatistes depuis 1997, les autorités françaises viennent de faire à nouveau la preuve de leur plus profond mépris pour le peuple comorien. Alors que le dictateur d’Anjouan, Mohamed Bacar, venait d’être défait par une intervention conjointe de l’Union des Comores et de l’Union africaine, la France l’a exfiltré vers Mayotte, puis vers la Réunion et l’a soustrait à la justice comorienne, où il devrait pourtant répondre de ses crimes. En dépit d’un mandat d’arrêt international, Mohamed Bacar, brièvement arrêté, a été libéré par les autorités françaises, sous prétexte d’un vice de forme. L’Etat français s’apprête maintenant à étudier sa demande d’asile politique. Une sollicitude dont ne bénéficient généralement pas les immigrés « ordinaires »… Rien de plus normal : Mohamed Bacar a toujours été un fidèle serviteur des manœuvres françaises. Celles-ci n’ont qu’un objectif : affaiblir les Comores pour garder la main sur Mayotte, que la France occupe depuis plus de 30 ans en violation du droit international. La LCR, en solidarité avec le peuple comorien, réclame :
L’extradition de Mohamed Bacar et sa remise à la justice comorienne.
La suppression du visa Balladur, qui a transformé les eaux comoriennes en cimetière marin.
Le respect des multiples résolutions de l’ONU sur le rattachement légitime de Mayotte aux Comores.
Le versement d’une réelle aide au développement sans condition, contrôlée par la société civile comorienne, en réparation des crimes commis par l’Etat français.
L’arrêt de toute manœuvre néocoloniale et de tout soutien de l’Etat français aux multiples dictateurs qui servent ses intérêts.
La LCR-Marseille, le 5 avril 2008.