24 septembre 1999

Après le reférendum

Le 16 septembre, 17 millions d'Algériens se sont rendus aux urnes, six mois après des élections contestées qui ont vu l'avènement de Bouteflika. Tout comme les consultations électorales précédentes, le régime algérien maintient une chape de plomb sur l'expression politique, ne laissant le champ libre et l'accès aux médias qu'aux voix qui soutiennent sa démarche.
Le pouvoir espère associer la concorde civile, la paix, la fin de la guerre civile larvée à un plébiscite massif de Bouteflika. Le régime tente de murer les contradictions internes des clans dont l'affrontement pour la succession de Zéroual a discrédité l'intronisation de Bouteflika en tant qu'arbitre. Après son absence pendant 20 ans de la scène politique et son silence durant les moments les plus durs de la guerre civile, les Algériens ont découvert un président qui parle avec le ton assuré du sauveur de la nation.
Le recul des islamistes et la défaite de leur aile armée peuvent contribuer à l'illusion d'un changement profond. Les incantations autour de la paix, de la trêve et du pardon graduel aux islamistes peuvent stabiliser un pouvoir dont les clans sont prêts à accepter un fondé de pouvoir auquel ils délèguent le pouvoir formel de les représenter. Le peuple a, dans son désarroi, besoin de croire aux faux espoirs de Bouteflika, il est intéressé par un régime fort, refuge qui masque leur dur quotidien. Bouteflika l'a compris et essaie de capitaliser l'effet qu'il a suscité.
Ce processus constitue le point de départ d'une nouvelle période politique pour l'émergence d'un pouvoir fort qui s'appuie sur le charisme d'un sauveur de la nation. Au pluralisme politique se substitue l'unanimisme. Les anciennes rivalités entre éradicateurs et réconciliateurs, entre islamistes et démocrates ne constituent plus les marques qui depuis sept ans ont rythmé les positions des partis politiques. Les islamistes du MSP et ceux d'Ennahda, ainsi qu'une partie des membres fondateurs du FIS acceptent une cohabitation, préparant leur maintien dans la coalition gouvernementale. Seul le GIA dénonce la concorde civile.
Le résultat du référendum était connu d'avance. Car à l'interrogation "Etes-vous d'accord avec la démarche du président pour la concorde civile et la paix ?", la réponse ne pouvait qu'être positive. Les Algériens, foncièrement pour une paix honorable, avaient déjà répondu, bien avant la loi sur la concorde, qu'ils étaient contre cette guerre qui les prenait en otage. Cette opération plébiscitaire va ouvrir une nouvelle phase politique. Cependant, la fin de la bipolarisation islamistes-armée va mettre en branle de nouveaux enjeux politiques. Les Algériens qui, depuis 1995, ont rejeté la dictature des groupes armés islamistes ne peuvent accepter un système un pouvoir autoritaire qui consolide le libéralisme. Ils vont, comme ils l'ont montré dans les meetings animés par Bouteflika, s'engouffrer dans l'espace politique ouvert par ce référendum pour exiger un véritable changement de leurs conditions de vie. Le réveil risque d'être dur pour les Algériens qui ont cru aux faux espoirs de Bouteflika.
A Alger, Osmane Redouane