21 octobre 1999

Vivendi, TotalFina / Elf - Multinationales dans la mire

Vendredi 15 octobre au matin, 400 manifestants investissaient le siège du groupe Vivendi, avenue de Friedland à Paris.
Emmenés par la Coordination contre l'OMC, la Confédération paysanne, José Bové en tête, Droits devant!, Attac, AC!, SUD, ils s'installaient dans les étages de la multinationale, déployaient leurs banderolles et tenaient une conférence de presse bien relayée par les médias. Objectif: dénoncer, à la veille de la conférence de Seattle pour un nouveau cycle de négociations de l'Organisation mondiale du commerce, la "mise en cause, par les monopoles privés qui se constituent, du droit à l'eau, à la santé, à l'éducation". Et faire connaître l'appel à un moratoire sur toutes les négociations qui étendraient la portée et les pouvoirs de l'OMC.
A 14 heures, les mêmes manifestants en rejoignaient 200 autres rassemblés sur le parvis de la Défense, à l'appel du collectif "Total/Elf ne fera pas la loi", des oppositions congolaises, iraniennes, tchadiennes, et du collectif "Info-Birmanie", au moment où se réalise la fusion entre Elf et Total. Guerres du pétrole, intervention dans la vie politique des pays producteurs, corruption, soutien à des régimes qui bafouent les droits de l'Homme, destruction de l'environnement: autant de raisons de se battre qui rejoignent les protestations anti-OMC, avec la conviction que les droits des peuples et les droits humains passent avant la logique de profit des multinationales et des financiers.
A l'origine devait se tenir une assemblée extraordinaire des actionnaires d'Elf, annulée quelques jours auparavant. Les manifestants rallient alors successivement la tour Elf, puis la tour Total, proches sur l'esplanade de la Défense. Présence incongrue et inattendue, celle de Christine Deviers-Joncourt, priée de déguerpir au plus vite; entre les "canuts de la mondialisation" et la "putain de la République", on ne mange pas le même pain. Tour Elf, les vigiles empêchent l'entrée en force des manifestants dans le siège. A la tour Total, les manifestants exigent du nouveau groupe fusionné une politique de transparence, une intervention des pouvoirs publics pour contrôler le nouveau monopole pétrolier français, un droit de regard sur les comptes et pratiques politiques, financières, sociales et environnementales du groupe. Une délégation, comprenant des délégués des oppositions congolaise et iranienne et du collectif Birmanie, sera reçue par un membre de la direction de Total.
Deux jours auparavant, une "mission d'information" du Parlement français "sur le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale", présidée par M.-H. Aubert (Verts), avait rendu son rapport (nous y reviendrons dans un prochain numéro de Rouge). Comme toujours, ce genre d'exercice montre vite ses limites; les responsabilités des gouvernements sont masquées, mais la mission ne peut passer sous silence les scandales les plus flagrants. Notamment la complicité de Total avec le régime birman, celle d'Elf au Tchad ou dans la guerre au Congo, et l'opacité des autorités françaises quand elles décident d'accorder la garantie de la Coface pour des investissements qui sont autant de défis aux droits des peuples.
Cette journée aura marqué une nouvelle étape dans la lutte contre la mondialisation capitaliste, et appelle d'autres campagnes et mobilisations prenant pour cible le pouvoir des multinationales. Et comme le remarque Le Monde, le choix par les organisateurs de ces multinationales françaises a eu le mérite de ne pas réduire la lutte anti-OMC à l'anti-McDonalds et d'"éviter toute récupération par les souverainistes".
Alain Mathieu