20 janvier 2000

ALGÉRIE - Après le 13 janvier

Le 13 janvier 2000, l'Armée islamique du salut (AIS) s'est rendue, ses troupes ont été amnistiées; un gouvernement a été désigné. Mais l'amélioration de la situation des Algériens n'est pas à l'ordre du jour.
Au lendemain du 13 janvier, que reste-t-il des engagements populistes de Bouteflika ? L'absence de changement de politique a dégrisé les Algériens. On leur avait promis que cela changerait s'il y avait la paix avec les groupes armés, alors ils ont voté massivement pour la loi de concorde civile; mais les GIA opèrent à nouveau. On leur a dit que si l'AIS se rendait, les investisseurs s'installeraient dans le pays, et ils ont attendu : cette dernière s'est rendue, les dirigeants du Fis sont divisés et affaiblis par la perte de leur branche armée. Les négociations continuent en Kabylie. Bouteflika amnistie dans un geste illégal, précipité. L'armée se déploie autour des maquis : intimidation ou préparation à l'action ?

Austérité
Et voilà qu'on annonce aux Algériens que les caisses sont vides, qu'il faudra plus d'austérité et que la dette doit être négociée. Le potentiel industriel servira-t-il d'hypothèque ou sera-t-il simplement échangé contre quelque argent de la dette ?
Les Algériens renouent avec la peur les attentats ont repris , avec la déception, avec l'amère réalité : la corruption continue de régner, les salaires sont gelés quand ils ne sont pas impayés et le programme gouvernemental annonce bien pire.
Quant à ce dernier, la plus grande réussite de Bouteflika est d'avoir amené les "démocrates" du Rasemblement pour la culture et la démocratie (RCD) à siéger avec des islamistes dans un même gouvernement strictement masculin! Mais le programme présenté par son chef de gouvernement des généralités sur la croissance économique, les investissements et l'emploi trahit l'absence de projet concret chez Bouteflika et ses alliés. Il a besoin d'argent frais : émirats ? Américains ? Union européenne ? Il installe une équipe d'économistes de prestige familiers des institutions financières internationales, et compte sur elle pour optimiser les relations construites du temps de Boumedienne. Son chef de gouvernement est un gestionnaire; son ministre de l'Intérieur, Zerhouni, se chargera des éventuelles explosions sociales. Le maintien de Ouyahia souligne la continuité du régime et le dosage politique réalisé, sans effet particulier. Une exception : le ministre du Travail, islamiste du MSP (ex-Hamas), provoque la fureur de l'Union générale des travailleurs algériens si fidèle au régime. Le président se donne le rôle de traiter les questions stratégiques et de contrôler les actions gouvernementales.

La crainte des mobilisations
Grogne des retraités, colère des salariés sans salaire ou sous-payés, nourrissent une multitude de petites grèves. Une filiale de la sidérurgie AlfaSid, en lutte depuis octobre, obtient au prix d'une trêve sociale de deux ans 20 % d'augmentation des salaires. La télévision locale n'en parle pas, la presse assez peu, et les travailleurs ne savent pas Deux jours plus tard, la direction générale du groupe refuse l'accord, 6000 salariés font un sit-in devant l'entreprise. L'Etat ne peut pas céder à AlfaSid sans provoquer un rush de revendications : l'épreuve de forces est lourde d'enjeux Mais l'information franchira-t-elle seulement les murs de la ville ?
Les centaines de milliers de licenciements depuis 1996 ont déjà fait leur effet : la combativité n'est pas au rendez-vous. La terrible défaite du Fis, apparemment si puissant, a marqué tous les esprits. Mais le mécontentement est général et la colère se fait entendre d'Est en Ouest. L'échec des accords de Seat-tle a eu un écho relatif. Le sentiment anticapitaliste se développe, même si l'idée de s'organiser pour résister ensemble est encore bien faible. Mais elle se transformera peut-être en nécessité dans des échéances imprévues. C'est ce que craignent les dirigeants algériens, tout comme les institutions financières internationales. C'est ce que nos camarades en Algérie ne renoncent pas à construire avec tous ceux qui luttent.
Malika Aiche

Rouge janvier 2000