28 janvier 2000

Le fantôme de Mitterrand

On connaît la dernière de Mitterrand, post-mortem: financer la CDU, la droite allemande, en puisant dans la tirelire d'Elf. La gauche allemande appréciera. Cette affaire agit comme un révélateur du fonctionnement des institutions politiques et de la pratique des grandes entreprises. On y trouve la confirmation qu'Elf, entreprise nationalisée sans contrôle des salariés ni de la population, était un instrument servant les présidents du moment, et que les firmes pétrolières polluent les côtes mais aussi la vie politique. On y trouve confirmation, après les révélations sur les amitiés avec Bousquet, la complaisance avec Papon, la complicité de génocide au Rwanda, du caractère totalement pervers du personnage Mitterrand, accédant au pouvoir avec les voix du peuple de gauche et pactisant avec la droite ou ses extrêmes. On y trouve confirmation de l'incroyable mutisme de la classe politique française quand il s'agit de Mitterrand ou d'Elf. Car ce qui fait un scandale en Allemagne, contraignant Kohl à la démission de la CDU, ne suscite aucune réaction en France. Les médias évoquent le scandale en Allemagne, mais personne ne parle de la responsabilité française. Au PS comme à droite, on dit "n'avoir aucune information", qu'il s'agit de "rumeurs". H. Védrine, au secrétariat de l'Elysée dans ces années-là, dit "ne rien connaître de cette affaire []. C'est une affaire allemande".
Lang et compagnie soulignent le rôle de Kohl dans la construction européenne. Cette Europe avait-elle besoin pour naître de pétro-francs et de la droite allemande? Tout ce monde a bien oublié le "droit d'inventaire" dont se réclamait Jospin pour se démarquer du mitterrandisme. Le gouvernement croit faire disparaître les excès de ces années folles en favorisant la fusion Total-Elf en une seule compagnie prétendument plus "présentable". Avec ses milliards de profits, ses milliers de suppressions d'emplois, ses marées noires, ses soutiens aux dictatures birmane et congolaise, ses commissions plus discrètes, restera le triste quotidien du capitalisme, celui des grandes multinationales et des financiers sans contrôle des populations.
Alain Mathieu