29 mars 2002

Emeutes en Kabylie - Jusqu'au bout...



Malgré les quelques concessions arrachées par la détermination des jeunes et des travailleurs kabyles depuis un an, le pouvoir algérien persiste dans sa politique de division et de répression d'un mouvement populaire qui ne cesse de démontrer sa force.
La révolte des populations kabyles contre la misère, le chômage et l'exclusion n'a pas cessé depuis un an. Comptant sur l'essoufflement du mouvement en tentant de l'isoler du reste du pays, la réponse du président et de son gouvernement s'est traduite par la répression sauvage des forces de sécurité en assassinant et blessant plusieurs centaines de jeunes. Mais c'était sans compter sur la détermination et le courage de la population qui, en déjouant toutes les tentatives de division du gouvernement, ont permis que la révolte s'étende au reste du pays.
Une année pendant laquelle le pouvoir n'a cessé de se décrédibiliser: les grèves ouvrières qui se sont déclenchées dans tous les secteurs (sidérurgie, métallurgie, hydrocarbures, éducation nationale, enseignement supérieur...) aussi bien contre les privatisations que pour le renforcement du secteur d'Etat et les manifestations populaires pour le droit à la vie, au travail, au logement, à l'éducation et à la démocratie en sont la preuve. Les inondations de Bab El Oued, à l'origine de plus de 1 000 morts et de milliers de sans-abris, ont élargi le fossé entre le peuple qui voit sa misère grandir et le pouvoir des généraux, qui puisent encore dans les caisses de l'Etat.
A l'approche des élections législatives, alors que la Kabylie s'oriente vers un boycott généralisé, le pouvoir développe un discours populiste archaïque pour redorer son blason. Le discours du président Bouteflika du 12 mars dernier, bien qu'il reflète la pression de la rue, ne va pas dans le sens des revendications populaires. Hormis la reconnaissance du tamazight (langue berbère) comme langue nationale -sans pour autant la soumettre au référendum-, la sanction de quelques-uns des gendarmes responsables des assassinats de manifestants, le déblocage d'un budget dérisoire pour la reconstruction des édifices publics et une prétendue "relance économique" de la kabylie, aucune revendication de la plateforme d'El Kseur -seule référence commune à tout le mouvement- n'a été satisfaite. Le mouvement populaire et une partie de sa direction ont certes pris acte des quelques avancées et considèrent la reconnaissance de la responsabilité de la gendarmerie dans les assassinats comme une victoire morale des martyrs de la révolte. Mais on est loin des mots d'ordre de la jeunesse exigeant le départ de la gendarmerie de toute la région (malgré le redéploiement de certaines brigades), la sanction des responsables de la répression et de leur tutelle politique à tous les niveaux, l'exigence que toutes les forces de sécurité soient placées sous le contrôle d'institutions élues par la population.
Ces mots d'ordre, qui gardent toute leur pertinence dans la période actuelle, sont portés par une jeunesse qui n'a jamais faibli depuis un an. Au lendemain du discours du président, la Kabylie a vu s'intensifier et se généraliser les affrontements en remettant sur le tapis le volet social et économique de leurs revendications. Et une fois de plus, le pouvoir algérien répond par la répression: depuis le 25 mars, les délégués des différentes structures populaires ont été arrêtés dans la rue ou enlevés chez eux tard dans la nuit. Ils sont une quarantaine sous les verrous et beaucoup d'autres sont en fuite, contraints à la clandestinité.
La situation économique et sociale ne cesse de se détériorer en Algérie, le mouvement de Kabylie montre l'exemple à travers sa détermination à en découdre avec un pouvoir corrompu et pilleur de richesses. "A nous de bâtir le puissant mouvement populaire organisé qui saura faire entendre les revendications des travailleurs et de la jeunesse" comme le dit le Parti socialiste des travailleurs (PST, extrême gauche) dans sa dernière déclaration.
Sami Zakaria