24 février 2005

Togo - En finir avec le néocolonialisme

Eyadema était un modèle. Sergent-chef de l’armée coloniale française durant la guerre d’Algérie, il fut choisi par Foccart et le régime gaulliste pour assassiner de ses mains, en 1963, Sylvanus Olympio, premier et dernier président élu d’un Togo jugé par trop indépendant. C’est ainsi que la France néocoloniale « sélectionna » des dirigeants africains totalement inféodés à ses intérêts. Le sergent-chef est resté pendant 42 ans au sommet d’une dictature sanguinaire. Il a géré l’argent des phosphates togolais au bénéfice des grandes multinationales, et il n’a cessé d’alimenter les caisses noires de la Françafrique, sans oublier sa fortune personnelle, trois fois supérieure à la dette du Togo. Tous les présidents de la République, tous les gouvernements de droite ou de gauche l’ont soutenu, ont légitimé ses fraudes électorales massives et ses répressions impitoyables contre une opposition pourtant majoritaire. À sa mort, le peuple et l’opposition espéraient des élections prévues par la Constitution. Pendant que Chirac pleurait la disparition d’un « ami de la France » et d’un « ami personnel », le fils, Faure Eyadema, se faisait nommer chef d’état-major de l’armée. Une assemblée à sa botte le nommait à la présidence... jusqu’en 2008 ! Sous la pression, il a dû concéder des élections, mais tant qu’il sera au pouvoir pour les organiser, il pourra continuer à les truquer et réprimer l’opposition. Devant cette dictature qui prétend se perpétuer de père en fils, l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), qui rassemble quinze pays dont le Nigeria, refusent d’entériner le coup d’État, prennent des mesures de rétorsion, exigent le départ de Faure Eyadema avant toute élection. L’UE et les USA ont suivi. Reste la France, isolée, qui ne réclame pas son départ. À Lomé, l’opposition manifeste malgré la répression, et les mots d’ordre contre Chirac et les intérêts français s’amplifient. À Paris aussi, où ces deux derniers dimanches (et cela va se poursuivre), plusieurs milliers de Togolais manifestent entre République et Bastille. Ils sont bien seuls, et la gauche reste silencieuse, alors qu’elle devrait se trouver à leurs côtés. Libérer le Togo de la dictature, exiger la fin de l’ingérence française et de ses conseillers militaires, l’annulation de la dette et la confiscation des avoirs détournés, c’est aussi l’affaire du mouvement ouvrier et démocratique.
Alain Mathieu

Rouge 2005-02-24