2 février 2006

FSM de Bamako


Contre la dette
Roseline Peluchon, animatrice du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde, (CADTM) tire le bilan du Forum social mondial de Bamako au cours duquel la dette et plusieurs institutions internationales ont été mises en accusation.

Le Forum social mondial de Bamako s’est achevé le 24 janvier et a regroupé environ 20 000 participants, venant principalement d’Afrique francophone. Les Maliens étaient bien entendu les plus nombreux, grâce au travail considérable du CAD Mali (Coalition des alternatives dette et développement). Citons notamment les 2 000 paysans venus du nord du pays, les jeunes militants très motivés réunis dans le « camp de jeunesse Thomas Sankara », les associations de femmes, ainsi que 49 parlementaires maliens venus rechercher le dialogue avec leurs concitoyens. Il est naturellement impossible de recenser toutes les associations qui avaient fait le déplacement.
Les débats furent de haute qualité, chacun apportant sa réflexion, son expérience ou ses interrogations. Les citoyens africains, qui subissent au quotidien les ravages de la mondialisation néolibérale, ont témoigné de manière très émouvante. Beaucoup de ces témoignages ont directement mis en accusation la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, dont la presse africaine relaie souvent les intrusions dans l’économie du pays. Il faut dire aussi que cela arrange les potentats locaux qui, ainsi, se défaussent de leurs propres responsabilités. Voilà pourquoi un sujet a dominé nettement tous les débats, revenant de façon transversale dans tous les ateliers : la dette, outil de domination très subtil des différents créanciers sur les peuples du Sud. En accusation centrale, figurent les mesures imposées aux États endettés par les institutions financières internationales, dont l’objectif est le paiement de la dette et l’imposition au forceps de leur credo néolibéral, au mépris de la satisfaction des besoins élémentaires des populations. La privatisation des Chemins de fer du Mali a par exemple entraîné la fermeture de 26 gares sur 36, détruisant les petits marchés locaux aux alentours. En mars 2005, au Niger, la hausse brutale de la TVA sur les produits de première nécessité (farine, huiles, sucre, riz) a provoqué des mobilisations sociales très fortes jusqu’au recul du gouvernement. Le désengagement de l’Etat dans les services publics rend inaccessibles les soins de santé et la scolarisation des enfants pour une majorité de la population. Les exemples abondent sur les dégâts provoqués par ces prétendues mesures de « lutte contre la pauvreté ». Comment ne pas approuver l’indignation de ce participant : « Faut-il donc qu’ils créent de la pauvreté pour, ensuite, dire qu’ils luttent contre la pauvreté ? »
Malgré quelques « ratés » d’organisation et « l’éclatement » du forum en plusieurs sites de la ville, malgré surtout la faible participation des habitants de Bamako (le maintien d’une entrée payante, même minime, rend impossible la participation d’une population dont le principal souci est de trouver l’argent nécessaire pour sa survie), ce FSM a été un réel lieu de mise en commun des résistances, de mise en place de réseaux, de partage d’expériences d’éducation populaire, d’échanges de connaissances.
De nombreux réseaux de luttes contre le système néolibéral sont déjà à l’œuvre en Afrique et ont pu se renforcer durant ce forum : CAD Mali, déjà cité, associations de migrants, syndicats, associations de paysans menacés par les privatisations de terres et les OGM, associations de lutte pour les droits de l’Homme, etc. La privatisation de la Compagnie malienne de développement des textiles, qui reste la colonne vertébrale de l’économie du pays, a été pour le moment repoussée sous la pression des producteurs de coton, mais la Banque mondiale exerce d’énormes pressions pour l’imposer dès 2008. Des audits citoyens de la dette se mettent en place. Des combats aboutissent, les résistances se mutualisent. Pour le peuple africain qui cherche à se mettre debout, le FSM de Bamako aura été une étape essentielle et exemplaire.
Roseline Péluchon
• Site du CADTM : http://www.cadtm.org

Rouge 2006-02-02