28 avril 2006

ÉGYPTE - Double jeu

L’Égypte connaît des tensions interconfessionnelles, particulièrement depuis l’assassinat d’un chrétien copte, le 14 avril. Le pouvoir n’hésite pas à utiliser cette situation.

La loi d’urgence est en passe d’être prolongée de deux ans. Voilà ce que l’exécutif égyptien étudie après le meurtre d’un copte dans une église à Alexandrie, vendredi 14 avril, plusieurs autres ayant été blessés, et après les « affrontements interconfessionnels » qui ont suivi.
Outre cette coïncidence frappante, des témoignages troublants mettent en cause des hommes de main du pouvoir, les baltageyyas. Ces agents s’en sont pris aux commerces des chrétiens ou ont commis des actes de violence le jour même de l’enterrement. Cela ne serait pas la première fois que les appareils de sécurité interviennent ainsi dans l’actualité. Déjà, en décembre dernier, lors des dernières tensions interconfessionnelles, à Alexandrie également, plusieurs témoignages concordant montraient que l’appareil de sécurité était très vraisemblablement responsable de la diffusion à une large échelle, sur support CD, de la pièce de théâtre jouée dans une église et jugée insultante par les musulmans.
Cela ne devrait pas cependant conduire à résumer la situation actuelle à un gigantesque complot tramé au plus haut niveau de l’État. Le pouvoir, assurément, trouve un intérêt certain aux événements en cours ; le plus évident est, bien sûr, la prolongation de la loi d’urgence, mais il y a aussi, en filigrane, la prochaine hausse des prix (téléphone, électricité, gaz naturel, eau, sucre, pain et autres produits de base) et la privatisation de nombreux secteurs vitaux (poste, chemins de fer, entre autres).
Cependant, les tensions interconfessionnelles en Égypte sont réelles. La raison première en est que l’État a toujours considéré les chrétiens d’Égypte, les coptes, comme des citoyens de seconde zone. Les coptes ne peuvent accéder à un certain nombre de postes de haut fonctionnaire, ou alors très rarement. Ils ne peuvent ainsi rejoindre le corps des officiers de la Sûreté générale. Pourquoi ? Parce que les coptes feraient passer leur allégeance religieuse avant leur allégeance nationale...
Toutes ces années de vexations permanentes, mais surtout d’oppression structurelle, ont produit une colère sourde, qui commence à s’exprimer de manière plus protestataire. Pour la première fois, des coptes se sont rassemblés, ont manifesté, ont lancé des slogans dénonçant leur oppression, mais aussi refusant le recroquevillement passif au sein de l’Église. Or, si cette dernière joue jusqu’à présent un rôle fédérateur des coptes d’Égypte, elle reste une institution réactionnaire, historiquement alliée au pouvoir. D’autre part, au sein de ces mouvements des slogans antimusulmans sont apparus. Plusieurs mouvements ou associations ont cependant pris l’initiative d’organiser des manifestations de protestation.
Du Caire, Layla Badawi

Rouge 2006-04-27