20 juillet 2006

RDC - Après les élections, l’urgence sociale

Le 15 novembre, le président de la commission électorale indépendante (CEI) a proclamé la victoire de Joseph Kabila à l’élection présidentielle de la République démocratique du Congo, avec une majorité absolue de 58,05 % des voix, contre 41,95 % à son rival, Jean-Pierre Bemba.

Avec une avance de plus de 2,5 millions de voix, Jo-seph Kabila, désormais président de la République démocratique du Congo, est arrivé, lors du deuxième tour, le 29 octobre, en position majoritaire dans l’est du Congo. Son opposant, Jean-Pierre Bemba, obtient le plus de voix dans le centre et l’Ouest, y compris dans la capitale, Kinshasa, où il atteint 68 % des suffrages.
Pour le second tour, Kabila a bénéficié du désistement, sur sa gauche, du Parti lumumbiste unifié (Palu), bien implanté dans le Banduntu, qui avait recueilli 14 % des voix au premier tour et dont le leader, Antoine Gizenga, opposant historique, pourrait briguer le poste de Premier ministre. Kabila a également profité, sur sa droite, de l’Union des démocrates mobutistes (Udemo) de Nzanga Mobutu, fils de l’ex-dictateur. Si le représentant des Nations unies a entériné la validité du scrutin, la mission d’observation électorale de l’Union européenne est beaucoup plus réservée - plus de 1,4 million d’électeurs auraient pu voter sans être inscrits sur les listes électorales des bureaux de vote.
Ce que nous écrivions s’est confirmé : « Ces élections risquent de se transformer en sacre de Kabila, pour le plus grand profit des multinationales. »1. La stabilité du pays, enjeu de cette élection, risque d’être gagnée. Si Bemba a contesté les résultats électoraux, il est peu probable, sauf débordement de sa frange la plus radicale, qu’il s’engage dans une aventure armée, même s’il en a les moyens. Les puissances occidentales ont recueilli suffisamment d’éléments pour le conduire devant le Tribunal pénal international, pour crime de guerre dans le cadre des exactions commises par ses troupes en République de Centrafrique. Ses partisans préfèrent distiller le poison de la « congolité » en remettant en cause la nationalité de Joseph Kabila.
Le vainqueur des élections lui laisserait une part du gâteau, comme il l’a déjà indiqué : « Je crois que le vice-président Bemba et les membres de son parti ont un rôle à jouer, peut-être pas nécessairement au gouvernement, mais au sein d’autres institutions, parce que l’effort doit consister maintenant à bâtir la nation, à la reconstruire. » Mais, quoi qu’il en soit, la population n’aurait aucun intérêt à prendre part à un conflit entre un Bemba millionnaire, seigneur de guerre, dont la fortune provient de son père, baron du mobutisme, et un Kabila soucieux de respecter les injonctions du FMI.
Car, contrairement à son père - Laurent Désiré Kabila, mystérieusement assassiné par son garde du corps -, Joseph Kabila a tout de suite donné des gages aux grandes puissances financières, en s’entourant de ministres issus du sérail du FMI, comme le ministre des Finances, Matungulu Ilankir, ou d’institutions financières, comme André Philippe Futa, ministre de l’Agriculture, en acceptant les ajustements structurels de la Banque mondiale - libéralisation des prix des marchés du diamant et du pétrole, dévaluation du franc congolais, etc.
Dans un pays où la guerre civile a fait au minimum plus de 3 millions de morts, où les organisations humanitaires estiment que 1 200 personnes continuent chaque jour de mourir des suites de ce conflit, le peuple congolais doit profiter de cette situation nouvelle pour construire ses organisations de défense sociale, pour mettre fin à une dette injuste - 14 milliards de dol-lars - contractée par un Mobutu soutenu à bout de bras par la France, afin que les revenus des exportations de ressources naturelles du pays financent une politique sociale de nutrition, de santé, d’éducation et de développement d’infrastructures, qui permette à la population de vivre décemment.
Paul Martial
1. Rouge n°2168 du 20 juillet 2006.