6 janvier 2007

Madagascar - Ingérence française

Encore un déni de démocratie en Françafrique. A Madagascar, le dictateur Ratsiraka, au pouvoir depuis vingt ans, refuse de reconnaître sa défaite électorale.
Lors de l'élection présidentielle de décembre dernier à Madagascar, Ratsiraka a perdu face à Marc Ravolamana qui avait obtenu 61% des voix au premier tour. Le pouvoir, comme dans nombre de pays liés aux réseaux de la Françafrique, a ressorti l'arsenal de la fraude. Il a rajouté 1 600 bureaux de vote fictifs aux 14 910 réels. Le score de son rival est passé à 46%. La Haute Cour constitutionnelle, remaniée par le pouvoir quelques temps avant l'élection, a validé ces résultats et refusé de les vérifier. L'opposition n'a pas accepté de se faire voler la victoire et a engagé une épreuve de force par la mobilisation de la population: entre 250000 et 500000 personnes dans les rues de la capitale, Antananarivo, et une grève générale qui dure depuis quinze jours. Le dictateur a alors utilisé l'arme habituelle des régimes africains menacés: l'incitation au conflit ethnique. Il dénonce derrière son adversaire l'ethnie merina, peuplant les hauts plateaux, et veut lui opposer les populations côtières.
Le pouvoir veut obtenir un second tour qu'il prépare en distribuant dans les villages des liasses de billets et en accusant l'opposition de nazisme et de colonialisme raciste... Ainsi va la démocratie dans les régimes amis de la France: Sassou N'Guesso au Congo, Déby au Tchad, Kérékou au Bénin, Compaoré au Burkina Faso, tous ont truqué les scrutins, emprisonné les opposants, ont eu recours aux spécialistes français du trucage électoral. Mais à Madagascar, une immense mobilisation de rue empêche le régime de trafiquer tranquillement les urnes. Cette mobilisation doit obtenir un soutien international. Le programme de l'opposition ne représente certes pas une alternative politique antilibérale et mobilise en utilisant la ferveur religieuse des catholiques de l'Eglise malgache qui le soutient. Mais la population souhaite exercer sa souveraineté et obtenir une alternance démocratique.
Les intérêts français sont très présents dans l'île. Le groupe Bolloré contrôle la production de tabac. Toutes les banques sont des filiales de banques françaises. Madagascar dispose de zones franches où de nombreuses entreprises françaises "délocalisent" leur production. Le régime de Ratsiraka a toute la sympathie des réseaux de Chirac. Ce n'est pas l'annonce de l'arrivée d'une mission de la "francophonie", proposant d'établir le dialogue entre pouvoir et opposition, qui peut rassurer: cette délégation est conduite par Guy Penne, ancien "monsieur Afrique" de Mitterrand, et est probablement composée des émules de la célèbre maxime de Chirac: "En Afrique, la démocratie est un luxe."
Chirac et le gouvernement Jospin doivent cesser toute ingérence à Madagascar. Le peuple malgache veut se débarrasser de la dictature, il le dit par les urnes, dans la rue et par la grève. Les déclarations de campagne électorale à Paris, qui prétendent changer la politique de la France en Afrique, n'ont aucun sens si on ne laisse pas le peuple malgache disposer de lui-même.
Alain Mathieu
Intervention éthiopienne en Somalie
En intervenant en Somalie, l’armée éthiopienne prétend avoir mis un terme à près de quinze ans d’absence d’État. La capitale, Mogadiscio, était livrée depuis 1993 à l’arbitraire des « seigneurs de guerre », suite à la fin du régime de l’autocrate Syad Bare (1969-1991) et à la débâcle de l’expédition militaire des États-Unis, Restore Hope.
Cependant, depuis quelques mois, « l’ordre public » avait été restauré à Mogadiscio par l’Union des tribunaux islamiques (UTI), victorieuse des « seigneurs de guerre » réunis dans l’Alliance pour la restauration de la paix contre le terrorisme. Cette situation n’était pas du goût de l’Éthiopie redoutant, officiellement, le soutien qu’apporterait l’UTI aux velléités indépendantistes des populations somalies de l’Ogaden (sud-est éthiopien). Ainsi, a-t-elle, dès l’été 2006, choisi d’aider militairement le gouvernement national de transition (GNT).
Le gouvernement éthiopien a agi sous l’ordre des États-Unis, dont le soutien militaire et financier apporté aux « seigneurs de guerre » confrontés en 2006 aux milices de l’UTI n’est pas un secret. En effet, la réunification de la Somalie par l’UTI était préjudiciable pour les États-Unis : d’une part, par la position stratégique de la Somalie, située à l’entrée/sortie de la Mer rouge, l’une des principales routes du pétrole. D’autre part, il y avait surtout le risque d’être marginalisé ou exclu, comme au Soudan, de l’exploitation du pétrole, initiée par Amoco, Chevron, Conoco sous Syad Bare et arrêtée en 1993, mais reprise par la Française Total (2001) et l’Australienne Range Resources (2005).

2007-01-05 10:05:17