A son entrée au Ministère des affaires étangères, Kouchner a affirmé vouloir faire du Darfour une de ses priorités, ce qui avait également été une des promesses électorale de Sarkozy, en réponse à la campagne du collectif « Urgence Darfour ». A l’instar de ce mouvement qui propose une analyse simpliste du conflit, relayée notamment par BHL, Kouchner y voit « des musulmans intégristes tentant d’imposer la charia à des musulmans modérés »1, ce qui est absolument sans fondement car l’islam de la junte militaire au pouvoir est largement soluble dans l’affairisme, et certains mouvements rebelles appartiennent au même courant religieux que les autorités.2
Kouchner a dans un premier temps annoncé la mise en place de corridors militaro-humanitaires à partir du Tchad, suscitant de nombreuses critiques de la part des ONG qui craignent d’être instrumentalisées par les militaires et redoutent d’être pris pour cible. Treize agences de l’ONU et 80 ONG sont aujourd’hui présentes au Darfour, et contrairement à la période 2003-2004, au plus fort de la purification ethnique menée par les milices Janjawids dirigées par Khartoum, le problème est moins aujourd’hui l’accès aux populations civiles que la recherche d’une solution politique impliquant tous les acteurs. Les oppositions militaires sont en effet fragmentées, certaines discréditées, parfois en conflit entre elles, et incapables de l’emporter dans ces conditions face au pouvoir central.
Kouchner a alors fait volte face et proposé la mise en œuvre d’une force européenne dans l’Est du Tchad, sans plus de succès. A enfin été décidée la mise en place d’un pont aérien pour ravitailler les réfugié qui s’y trouvent. Cela n’explique pas ce qui empêchait jusque là l’armée française, qui est omniprésente au Tchad, de convoyer de l’aide dans ces camps privés de tout. Elle se contentait jusque là de stopper les mouvements militaires opposés au dictateur Idriss Déby. Cela ne saurait non plus masquer le fait que ce soutien inconditionnel à Déby, qui vient par ailleurs d’empocher un pactole pétrolier d’un milliard de dollar dont la population ne verra pas un centime, est un facteur aggravant de la crise au Darfour, puisque le Tchad soutient les mouvement rebelles opposés à Khartoum, qui lui rend la pareille, alimentant sans fin les exactions faites aux populations civiles du Darfour et du Tchad.
Dans le même temps, Sarkozy a annoncé la tenue d’une « conférence internationale » à Paris fin juin et la mise en place d'un « Groupe de contact élargi ». Mais la conférence ne vise qu’à réunir les pays qui pourraient faire pression ou qui jouent un rôle de médiation, et non les acteurs du conflit eux-mêmes, et apparaît comme concurrente aux démarches en cours de l’ONU et de l’OUA. Les autorités soudanaises viennent d’ailleurs de débloquer un vieux contrat pétrolier au profit de Total, sur un des blocs les plus prometteurs du Sud-Soudan, ce qui n’est sans doute pas innocent. On imagine mal que Kouchner, qui s’était fait payer pour rédiger un rapport lavant la multinationale pétrolière des accusations de travail forcé en Birmanie, ou Sarkozy qui est au mieux avec les principaux actionnaires du CAC 40, se mettre soudain à exiger la moindre pression financière sur le régime de Khartoum pour le contraindre à accepter une solution politique et à cesser ses exactions…
Robin Guébois
1 - (Le Monde, 27 décembre 2006)
2 – Pour une analyse plus détaillée des enjeux du conflit, voir Rouges n°2082 et 2199