27 juin 2007

CONGO, un an après : les élections, la paix et les affaires…

Les élections de l’année dernière en République Démocratique du Congo ont été les premières élections nationales organisées depuis 40 décennies. Certaines images frappantes de ce suffrage montrèrent des gens enthousiastes, qui faisaient la queue afin de voter pour la première fois de leur vie. Malheureusement, les élections n’ont pas offert de réelle alternative pour la plupart des congolais – la période précédant les élections a même été marquée par une phase accrue de pillage. Un traité signé en fin d’année 2003 entre le gouvernement, des groupes rebelles et l’opposition politique avait aboutit à la formation d’un Gouvernement National de Transition (GNT). Les combats, cependant, ont continué. Selon l’International Rescue Committee, entre le début de la guerre en 1998 et fin avril 2004, il y eut quelques 3,8 millions de morts.

Or, pétrole, diamants de sang

La « paix » entraîna deux processus importants. D’une part le retour de certaines entreprises multinationales vers des régions qu’elles lorgnaient déjà, pour tenter de réintroduire l’exploitation des mines d’or et débuter l’exploration pétrolière. La société AngloGold Ashanti fut très impliquée dans la guerre. Filiale du géant minier Anglo American, elle était en lien avec le groupe rebelle du Front Nationaliste Intégrationniste (FNI), qui lui facilita l’accès vers des réserves d’or. En échange la compagnie lui versa une aide financière et logistique. Charles Carter, dirigeant de l’AngloGold Ashanti expliqua que: « bien qu’actuellement cet environnement soit évidemment difficile à l’heure actuelle, nous sommes impatients de mener une exploration plus poussée des biens que nous avons au Congo, avec l’espoir de pouvoir accéder dès maintenant à l’objectif potentiel d’un formidable développement en Afrique centrale ». Dans le même temps, le gouvernement essayait de reprendre le contrôle des ressources du pays. Il signa des autorisations d'exploitation pétrolière avec la compagnie canadienne Heritage Oil. L’entreprise, préoccupée par les troubles politiques de la région, prit contact avec des chefs locaux. L’un d’eux, chef Kahwe de Mandro, expliqua: « j’avais été contacté par des personnes de la compagnie pétrolière canadienne qui étaient venus me voir, je leur ai dit qu’ils ne pouvaient commencer à travailler à Ituri qu’une fois que j'aurais obtenu Bunia des mains de l’UPC (Union des Patriotes Congolais).»

L’autre processus était tout aussi facile à prévoir. Les commandants rebelles responsables de meurtres et d’exactions pendant la guerre furent incorporés au sein de l’armée congolaise. Jean-Pierre Bemba par exemple, rival malchanceux de l’actuel président J. Kabila, est un produit des forces majeures qui étaient actives pendant la guerre. Son groupe rebelle, le Mouvement de Libération congolais (MLC), émergea durant les premières années du conflit. Bemba fut promu début 2001 par un acteur régional, l’Ouganda, de par ses contacts avec le monde des affaires et ses capacités organisationnelles. Des groupes tels que le MLC entrèrent en conflit alors qu’ils se battaient pour le contrôle et l’accès aux minéraux. Ces minéraux étaient alors exportés vers le Rwanda et l’Ouganda, puis achetés par des multinationales occidentales. Le calme relatif de la transition vers les élections permit un engagement plus direct des multinationales.

Convoitises occidentales

L’intérêt récent de l’Occident pour la démocratie en RDC n’a été déterminé que par le désir de sécuriser l’accès aux richesses du pays. L’Union européenne décida d’envoyer une force multinationale pour, officiellement, aider à la supervision des élections. Mais le ministre de la défense allemand afficha clairement les objectifs réels : l’industrie européenne « bénéficierait beaucoup de la stabilité d’une région riche en matières premières ». Cependant l’UE oublia de consulter l’Union Africaine et la RDC. Les médias congolais accusèrent l’Occident d’ingérence, objectant que sans invitation les forces de l’UE seraient perçues comme étant des forces d'occupation. L’intervention occidentale, quelle que soit sa forme, a été la pierre angulaire de la guerre depuis 1998.

Les conclusions des experts des Nations Unies sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse au Congo sont accablantes. Le rapport montre comment l’exploitation des minéraux a financé des groupes rebelles et a fourni d’importants réseaux de commerce internationaux. Il indique que les compagnies étrangères « étaient prêtes à commercer quitte à fermer les yeux sur des manquements à la loi…Les compagnies impliquées dans le commerce de minéraux que le panel considéra comme étant le moteur du conflit au Congo, avaient préparé le terrain pour effectuer des activités minières illégales dans le pays ». En outre, l’effet de générations de pillages se reflète dans le choix politique proposé par les élections. Selon Ludo de Witte, auteur de l’Assassinat de Lumumba : « La classe politique aujourd'hui est un reflet de la dégénération et de l'épuisement après des décennies de dictature de Mobutu aux ordres de l'impérialisme. Qu'avons-nous ? Des clients, des politiciens néo-colonialistes, qui vivent tous sous la protection de l'occident. Il y a une petite clique de seigneurs de la guerre qui ont été réunis dans la capitale, et qui reçoivent des fonds de la communauté internationale. La preuve en est que pas un seul politicien congolais n'a été critiqué violemment dans les médias occidentaux. Un vrai test de crédibilité pour la politique congolaise. ». L’unique espoir d’un vrai changement réside dans le peuple congolais lui-même, qui a déjà montré dans le passé ses capacités de résistances à la fois contre la classe politique dégénérée du Congo et contre les pilleurs internationaux.


Leo Zeilig. Traduction de l’anglais par Selma Oumari et Sylvestre Jaffard