Deuxième prise. Après le discours « historique » de Dakar, qui n’avait pas produit l’effet escompté, le président de « la rupture » a tenté de corriger le tir à l’occasion de sa visite en Afrique du Sud le 28 février dernier. Sarkozy y a parlé « du fond de [s]on cœur », pour expliquer que l’ « engagement politique, militaire ou économique aux côtés de l’Afrique est perçu par beaucoup non comme une aide sincère mais comme une ingérence néocoloniale » et qu’il fallait par conséquent « une autre posture ». Simple question d’image, donc. « Il n’est plus concevable, par exemple, que l’armée française soit entraînée dans des conflits internes ». Presque amusant de la part de celui qui, la veille encore de ce discours, était au Tchad afin de féliciter l’armée française pour son opération de sauvetage du régime criminel d’Idriss Déby.
Sarkozy a réaffirmé que la coopération militaire française n’avait désormais pour vocation que d’aider des forces africaines de maintien de la paix à se développer (dispositif RECAMP), ajoutant même que la France n’avait « pas vocation à maintenir indéfiniment des forces armées en Afrique ». En revanche, on cherchera en vain un quelconque calendrier de fermeture des bases militaires françaises. Et pour cause : seul un réaménagement est au programme. Il ne s’agit nullement de renoncer à des interventions militaires sur le continent mais de trouver le meilleur équilibre entre forces de projection et forces pré-positionnées, d’un point de vue budgétaire, mais aussi politique. Dans le même esprit, cela fait maintenant plusieurs années que la France cherche à impliquer les pays Européens sous couvert d’actions multilatérales (l’Eufor étant la dernière en date), si possible cautionnées par l’ONU.
Sarkozy a également annoncé vouloir renégocier « tous les accords de défense », lesquels seront « intégralement publiés. » Ceux-ci comprennent en effet depuis les indépendances des clauses secrètes (secret de polichinelle aujourd’hui) notamment en matière de maintien de l’ordre dans les ex-colonies et de clauses économiques préférentielles au profit de l’ex-métropole. Assurance tout risque pour dictateur en échange d’un droit illimité de pillage, en quelque sorte. L’abrogation de ces clauses serait assurément une excellente nouvelle, mais il faut néanmoins relativiser leur importance : la France ne s’est pas privée d’intervenir dans des pays avec lesquels elle n’avait pas le moindre accord de défense. Par ailleurs, si la transparence ne s’applique qu’aux accords de défense (officiellement au nombre de 7 avec des pays africains), qu’en sera-t-il des nombreux autres accords existants sous des formes variées, et très souvent classés « secret défense » ?
Sarkozy a enfin affirmé vouloir « associer étroitement le Parlement français aux grandes orientations de la politique de la France en Afrique. » Droit de contrôle ou droit d’information ? La commission Balladur sur la réforme des institutions n’a préconisé qu’un droit d’information, et uniquement pour les interventions de plus de trois mois ! Les parlementaires resteront de toute façon dans l’ignorance des interventions secrètes et clandestines, menées par les forces spéciales ou le service Action de la DGSE, qui sont les véritables instruments du pouvoir monarchique de l’Elysée.
Robin Guébois