Pour accroître la sélectivité, le ministère de l’éducation nationale ne va pas de main morte ! Emboîtant le pas sur la grève des fonctionnaires, les lycéen-ne-s ont entamé une grève pour protester contre la surcharge des programmes, suite à la réforme des enseignements d’il y a quelques années. Cette réforme a eu pour principal objet le durcissement du niveau. Aucun moyen financier, concernant par exemple la formation des professeurs, n’a été mis en place pour faire face à ce changement quantitatif. Ainsi cette année, les notes obtenues au premier trimestre ont été catastrophiques et les professeurs sont conscients de ne pas pouvoir finir le programme d’ici mai. Certaines filières ont même jusqu’à 10 épreuves à préparer (1) ! Pour beaucoup de lycéen-ne-s, non seulement le bac est compromis, mais en plus l’entrée à l'université est conditionnée par l'obtention de bonnes notes. On comprend donc qu’en plus du plan de privatisation des facs, tous les moyens sont bons pour empêcher l’accès d'un nombre croissant de jeunes. Comment alors cette nouvelle génération d’Algériens peut-elle sortir du triptyque « harga/kamikaze/hitiste » (2) ou du retour au foyer ?
Les lycéen-ne-s ont compris que ce n’est que par la lutte qu’ils pourront s’en sortir et obtenir satisfaction de leurs revendications, à savoir l’allègement du programme et l’organisation d’une deuxième session. Perçue d’abord comme une simple protestation, les pouvoirs publics n’ont pas pris pas mesure de la situation. Mais au fur et à mesure des jours, le mouvement s’est amplifié dans toute l’Algérie. Il a touché d’abord la capitale pour ensuite s’étendre à l’est et à l’ouest du pays, allant même jusqu’au sud de l’Algérie. Les manifestations convergèrent vers les directions locales de l’éducation et le ministère, les maisons de presse, mais dans certaines villes comme Alger, un important dispositif de répression a été mis en place.
Le 23 janvier, après une semaine de mobilisation, une rencontre sous tutelle de l’Union Nationale des Etudiants Algériens et d’organisations de parents a été organisée avec le ministère. Au grand étonnement des délégués grévistes, la rencontre programmée avec le ministre de l’éducation Aboubakr Benbouzid n’eut pas lieu. A l’issue de cette journée, il fut proposé la mise en place d’un dispositif de commissions examinant l’état d’avancement du programme dans tout le pays. Les délégués, réunis en assemblée générale au siège de l’UNEA décidèrent de suspendre la grève durant les négociations : « nous avons décidé de reprendre les cours aujourd’hui. Nous allons attendre jusqu’au 2 février; si aucune mesure favorable n’est proposée, la grève reprendra » (3), déclare Hakim.
Or, cette décision n’a pas été suivie par la plupart des lycéens qui craignent la fin de la lutte récupérée par d’autres qu’eux, ce qui est on ne peut plus juste, car les garanties obtenues sont des demi-mesures négociées au détriment des acteurs du mouvement. Les menaces de sanction et insultes de Benbouzid du type : « ceux qui refusent le nouveau baccalauréat c’est comme celui qui refuse un logement respectable alors qu’il habite un bidonville », au lendemain des négociations n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu, et discréditer le ministre au regard de l’opinion publique. L’enjeu des prochains jours est de faire converger la relance de la grève des fonctionnaires prévue les 10, 11 et 12 février avec le mouvement lycéen, et faire fi de l’épouvantail islamiste agité par le pouvoir !
Sellouma
(1) Madjid Makedhi, in El watan
(2) Abed Charef, in Le quotidien d’Oran. Harga = clandestin ; Hitiste = celui qui tient les murs, expression attribuée aux jeunes hommes chômeurs.
(3) Madjid Makedhi, in El watan