1 juin 2008

Césaire l'Africain


Il y a comme ça des œuvres que l’on découvre, loin de chez soi, des œuvres qui vous font tressaillir parce que cela vous remue les tripes, et vous replacent véritablement dans votre culture et votre identité.

C’est ainsi que j’ai redécouvert CESAIRE lorsque j’étais en Mauritanie. A Bogué, plus précisément. Je devais apporter quelques cartons remplis de livres que j’avais proposés pour la bibliothèque d’un lycée ou pour fournir la bibliothèque municipale. C’est dans ces cartons que se trouvaient deux exemplaires de Cahier d’un retour au pays natal. Alors qu’avec mes frères mauritaniens, j’attendais Monsieur le Maire à la Mairie de BOGUE, un groupe de jeunes étaient présents également. Ils venaient pour demander l’autorisation d’avoir une salle pour jouer leur pièce de fin d’année Cahier d’un retour au pays Natal. Quand Monsieur l’Adjoint au Maire nous reçut, avec beaucoup de retard dont il s’est excusé, nous avons convenu d’être reçus tous ensembles. Grand bien nous en a fait. Non seulement les jeunes n’avaient pas de salles pour répéter mais surtout ils n’avaient pas assez d’exemplaires du livre pour répéter chacun. C’est alors que je leur fis part que j’avais deux exemplaires de la fameuse œuvre et que je le leur offrais. Nous sommes allés en ville pour faire des photocopies de l’œuvre.

J’ai donc assisté aux premières répétions du Cahier d’un retour au pays natal. Bien que balbutiante au départ, j’ai vu la construction théâtrale. Et là j’ai vu Césaire l’Africain. J’ai vu ce Vieux Nègre, comme on dit chez nous aux Antilles. J’ai imaginé son sourire et ses yeux espiègles, brillants de cette intelligence divine et discrète, et j’ai imaginé sa joie de se voir et de s’entendre jouer par de jeunes Nègres qui lui donnaient par leurs voix, leurs corps, leurs esprits l’occasion d’être avec moi, sur cette terre africaine que nous chérissons tous les deux. La pièce fut jouée alors que j’étais de retour en France, mais Césaire en aurait été fier. J’avais également remis aux jeunes un drapeau guadeloupéen, représentant un homme noir, soufflant dans la corne de Lambi qui, chez nous, représente le signal de la révolte et de la liberté. Ce drapeau figurait dans le décor de la pièce dont j’ai vu la représentation en vidéo.

C’est cela que je voulais dire aujourd’hui. C’est ce Césaire-là, celui qui a toujours refusé le colonialisme, le racisme, et les honneurs de la patrie qui se dit pourtant des droits universels de l’homme. Celui qui ne s’est pas rabaissé pour un siège académique à qui je rends hommage aujourd’hui. C’est ce Césaire que j’honorerais tous les jours, à chaque pas, à chaque instant de ma modeste vie. C’est ce Césaire que j’ai eu plaisir à lire et partager en Afrique. C’est ce Césaire, digne descendant du nègre esclavagisé Romain CESAIRE qui en 1830 fut condamné à mort pour révolte et pendu par la justice de ceux qui se croyaient ces maîtres. Je dis qui se croyaient ses maîtres car l’histoire nous montre, que dans les mêmes veines coule le même sang. Celui de la révolte. Et cela, personne ne pourra l’en empêcher.

Mariam SERI SIDIBE