8 octobre 2008

DE L’ASSASSINAT DE RUBEN AU GENOCIDE DU RWANDA

Le 13 septembre 1958, un commando d’élite de l’armée française exécute Rubèn Um Nyobè, dirigeant de l’UPC (l’Union des Peuples du Cameroun). Cette armée française va continuer ses basses besognes dans ce pays, jusqu’à la fin des années 60, et va mettre en pratique ce qu’elle avait expérimenté en Algérie. Sous le vocable de « guerre révolutionnaire », les déplacements et quadrillages de la population, les regroupements de civils en groupes « d’auto-défense » armés, les tortures et les violences de masse vont se généraliser. L’intervention de la France, au côté du gouvernement camerounais qu’elle a mis en place, provoquera, d’après les historiens, entre 300 000 et 400 000 morts ; chiffre crédible quand on sait que l’armée a utilisé le napalm pour pacifier les zones tenues par les maquisards.

Plus de trente ans après la France se retrouve impliquée dans le génocide rwandais où, en quelques semaines, au moins 800 000 Tutsis et les opposants Hutus vont périr. Les témoignages et les archives recueillis par la commission, mise en place au Rwanda, et rendus public en août de cette année sont accablants tant pour la droite que pour la gauche gouvernementale. (Voir l’article dans ce numéro : « Un rapport accablant documente les complicités françaises »). Le refus atavique du pouvoir français de reconnaître des crimes contre l’humanité vis-à-vis de ses anciennes colonies, souligne que la classe politique française n’a jamais rompu avec l’idéologie coloniale. Ceci est particulièrement révélé par le fait qu’une majorité de parlementaires reconnaissent un rôle, soi-disant bénéfique, à la colonisation. Ce qui souligne aussi que cette politique n’a jamais été abandonnée.

Ainsi, en déroulant la pelote de la mémoire de son histoire coloniale la France abouti à sa politique actuelle en Afrique ; ce que d’une certaine manière révèle le lamentable discours de Sarkozy à Dakar. Autrement dit, condamner ce qui a été fait dans le passé, reviendrait à condamner ce qui se fait dans le présent. En effet, comment pourrait-on condamner l’intervention au Cameroun des années 60 sans condamner également l’intervention de la France au Rwanda en 1994. Ou encore l’exécution de Patrice Lumumba par Mobutu au Congo en 1961 sans condamner l’exécution d’Ibni Oumar Mahamat Saleh (porte-parole de la Coordination des partis pour la défense de la démocratie-CPDC) par Idriss Deby Itno au Tchad en février 2008 ?

Dans un pays où les interventions militaires de moins de trois mois à l’étranger sont à la discrétion du seul président de la République, où les principaux partis gouvernementaux sont d’accord pour maintenir et étendre le rayonnement de la France en Afrique à n’importe quel prix et pour le plus le grand profit des entreprises françaises, dans ce pays où l’amnésie sur les crimes est une pratique consensuelle, le rôle des militants internationalistes prend une importance accrue pour intégrer, dans les luttes quotidiennes, notre solidarité avec les peuples d’Afrique.
Paul Martial