8 octobre 2008

MAURITANIE : LES DESSOUS D'UN PUTSCH

Trois ans exactement après la révolution de palais qui avait chassé l'ancien dictateur Ould Taya, la Mauritanie vient de connaître un nouveau putsch, ce 6 août dernier. Les acteurs militaires sont les mêmes, à cette différence près qu'entre les deux coups d'Etat, l'espoir d'une transition démocratique et civile semblait devenu réalité. Ould Taya avait été renversé par Ould Mohamed Vall, chef des services de police et de renseignement, Ould Abdel Aziz, chef de la Garde présidentielle et Ould Ghazwani, en charge du renseignement militaire. Le premier avait été placé à la tête d'un comité militaire provisoire qui avait eu l'habileté d'organiser, avant de se retirer, un processus électoral crédible et transparent, si l'on excepte la question du clientèlisme. La récente crise est venue démontrer que le retrait n'était qu'apparent, et que les militaires continuaient de tirer les ficelles à l'arrière plan. Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait été élu président avec leur aide et a cru pouvoir s'émanciper de leur tutelle sur un certain nombre de questions politiques et sociales. La tension s'est d'abord traduite par une fronde des parlementaires élus comme « indépendants » mais liés aux militaires, qui constituaient une fraction importante du parti présidentiel. Sidi Ould Cheikh Abdallahi a ensuite été renversé lorsqu'il a tenté de démettre les chefs d'état-major qui étaient à la manoeuvre dans les coulisses. Le général Abdel Aziz s'est alors proclamé chef de l'Etat. Ould Mohamed Vall, qui comptait vraisemblablement revenir au pouvoir à l'occasion des prochaines élections était absent au moment du putsch et ne semble pas impliqué directement, du moins pour le moment.
Sidi Ould Cheikh Abdallahi

Cette situation dans laquelle une large partie des élus soutiennent, et pour cause, les putschistes a permis a certains, notamment des journalistes français, de minimiser le coup de force, alors même que les manifestations publiques des démocrates étaient violemment réprimées. Par ailleurs, les condamnations internationales sont une nouvelle fois restées de pure forme. La France, dont les intérêts économiques se sont renforcés après la chute d'Ould Taya, a rapidement annoncé la rupture de son aide publique, mais dans le même temps Alain Joyandet, secrétaire d'Etat à la coopération, estimait que les revendication des militaires n'étaient « pas toutes illégitimes ». Et il posait comme préalable au rétablissement d'un « dialogue », non pas le rétablissement de la légalité constitutionnelle, mais la simple libération du président emprisonné. Après l'attaque récente d'une patrouille militaire mauritanienne revendiquée par Al Qaeda-Magheb Islamique, la France s'est également empressée d'assurer la junte de son soutien en matière de lutte contre le terrorisme. On se souvient que c'est déjà la DGSE française qui avait dirigé la traque aux terroristes mauritaniens après le meurtre de quatre français en début d'année. Enfin l'Elysée a reçu secrètement Mohamed Bouamatou, ancien chef du patronat mauritanien, sans doute pour discuter d'un scénario de normalisation politique qui enterrine le rapport de force actuel et qui soit néanmoins « présentable » aux yeux de la communauté internationale.
Robin Guébois