10 mai 2009

MAYOTTE : 101e département français ou partie intégrante des Comores ?


Mayotte est située à l’entrée du canal du Mozambique, situé dans l’océan Indien et séparant Madagascar et le Mozambique, en Afrique de l’est. C’est par ce canal que transitent une grande partie des supertankers exportant le pétrole du Moyen-Orient vers l’Europe et l’Amérique, et des porte-containers, des minéraliers, navigant entre l’Asie et le reste du monde. C’est une des quatre îles de l’archipel des Comores.

Rapt, déstabilisations et géostratégie

Après avoir créé de graves contradictions entre mahorais et grands comoriens en transférant la capitale de Dzaoudzi (Mayotte) à Moroni (grande Comores), la France organise en 1974 un référendum sur l’indépendance. Seule Mayotte vote pour le maintien au sein de la France. Le gouvernement français décide unilatéralement de conserver Mayotte sous souveraineté française. Les 3 autres îles proclament l’indépendance de l’archipel en 1975. L’Union des Comores revendique Mayotte en refusant cette annexion qui remet en cause l’intégrité territoriale et l’indivisibilité du peuple comorien. L’Union africaine considère ce territoire comme occupé par une puissance étrangère. Un second référendum a lieu en 1976. Il confirme le choix de la population de Mayotte de rester française. L’Assemblée générale des Nations unies proclame la nullité de ce nouveau référendum et condamne l’occupation française. Le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » est applicable au peuple comorien dans son ensemble, et non à chacune de ses fractions ou minorités. Selon le droit international, Mayotte fait partie de l’Union des Comores.

Pendant la Guerre froide, il s’agit de déstabiliser l’Union des Comores pour la diriger en sous-main. L’indépendance et le pouvoir de revendication des Comores sont largement battus en brèche par les interventions de la France et ses barbouzes comme Bob Denard, la corruption de ses élites, la mise sous tutelle économique et monétaire grâce au « franc comorien » arrimé au franc hexagonal. A Mayotte, la présence française monte en puissance. Une compagnie de la Légion étrangère y est basée. Les ports accueillent divers navires en mission de contrôle du canal. Les fonctionnaires fournissent la moitié des emplois, pour la plupart occupés par des métropolitains. Une carte des eaux territoriales et des zones économiques maritimes exclusives dans le canal du Mozambique illustre le rôle de Mayotte comme tête de pont de l’impérialisme français. D’autres îles plus au sud, Europa la Grande Glorieuse et Juan-de-Nova, permettent de dessiner une zone maritime quasi continue sous son contrôle, par laquelle passe 90% du commerce intercontinental. Mayotte est la sentinelle militaire avancée qui permet à la France de conserver sans risque son influence dans une région où les Etats ont peu de moyens de projection hors de leurs côtes et peu de troupes aguerries.

Mayotte aujourd’hui

S’il ne représente que le 1/6e du PIB par habitant hexagonal, celui de Mayotte est 9 fois plus important que dans le reste de l’archipel. Le principal fournisseur et client c’est l’Hexagone. Les transferts de l’État vers l’économie de l’île s’élèvent à 635 millions d’euros en 2009, soient 3400€ par habitant. Mayotte est ainsi tenue à bout de bras par la France pour jouer son rôle militaire et géostratégique dans l’Océan Indien. L’île n’a quasiment plus de relations économiques avec les pays qui l’entourent. Le commerce avec Madagascar, les Comores, la Réunion, les Seychelles et Maurice, demeure très faible. Les flux commerciaux avec la Communauté des États de l’Afrique de l’Est sont infimes.

Ce tête à tête avec la France s’accompagne d’une politique anti-immigration. Les mesures de lutte contre l’ « immigration clandestine » et l’absence de visa empêchent toute visite familiale, alors que les Comoriens sont chez eux à Mayotte. Les différences de niveau de vie entraînent des Comoriens à s’établir à Mayotte. La France a mis en place une politique d’éloignement des sans-papiers particulièrement indigne. 140 policiers traquent les barques (kwasa kwasa) quitte parfois à laisser des centaines d’arrivants se noyer dans la nuit. Un centre de rétention entasse, pêle-mêle, adultes, femmes et enfants, soumis à des procédures expéditives. On estime à 60000 le nombre de Comoriens sans-papiers. Ils sont taillables et corvéables à merci. Ils servent de variable d’ajustement, laissés dans les campagnes et agressés en cas de révolte comme en 2005. De l’autre côté, la France a mis en place une politique de peuplement. Les M’zoungou (blancs) occupent les meilleurs postes dans l’Administration, les services publics… D’autres se préparent sur place à la départementalisation dans les domaines des infrastructures, du logement et du tourisme. Car les métropolitains et les politiques attendent la manne de la mise à niveau du territoire et de son classement en Région ultrapériphérique (RUP) de l’Europe à partir de 2011.

La consolidation de l’influence de la France dans le canal du Mozambique n’a pas été l’enjeu explicite de la campagne pour le référendum de départementalisation. Les débats ont plutôt porté sur les minima sociaux qui seraient mis en place en 2012. Les politiques locaux ont passé sous silence que les Mahorais seront redevables du droit fiscal commun (impôts et taxes) dès 2014, et qu’ils devront se défaire progressivement du droit coutumier et de leur statut personnel. Aussi, l’issue du référendum ne faisait pas de doute. Il faut cependant rectifier les proclamations sarkoziennes. Le OUI aurait obtenu 95,25% ! Ce résultat « soviétique » aurait dû intriguer la presse. Toutes sortes de pressions et menaces ont été exercées sur les électeurs. Par ailleurs, le taux d’abstention est élevé et par rapport aux inscrits, le OUI n’obtient que 57,63% (les inscrits ne sont que 71 420 sur 186 452 habitants). La partition forcée du peuple comorien est une violence coloniale que l’assistanat promis par la France ne masquera pas longtemps. Comment s’appellera le LKP de Mayotte ?

Bernard - Salim