10 mai 2009

Pour un droit à l'autodétermination des Mahorais

Depuis plusieurs semaines, Mayotte est au cœur de tous les débats. Le 29 mars dernier, l’île de l’océan Indien devait se prononcer au sujet de sa départementalisation. Ainsi, les Mahorais se sont déplacés pour affirmer massivement (à 95,2%) qu’ils étaient favorables à la départementalisation de Mayotte. Et ce n’était pas leur premier référendum. Le 22 décembre 1974, lors du premier référendum d’autodétermination des populations des Comores, le résultat pris globalement est de 94,94% pour l’indépendance, mais à Mayotte 65,30% de la population se prononcent pour le maintien au sein de la République française. Au point qu’un deuxième référendum est organisé à Mayotte le 8 février 1976 : la population mahoraise se prononce à 99,42% pour « le maintien de Mayotte au sein de la République française » et refuse « qu’elle fasse partie de l’Etat Comorien ». Lorsque le 11 avril 1976, par un troisième référendum, les Mahorais sont consultés pour le maintien ou l’abandon du statut de TOM, la majorité des électeurs a préféré déposer dans les urnes les bulletins imprimés par le Mouvement Pour Mayotte (MPM) qui réclame le Département d’Outre-mer. D’élections en élections, les Mahorais réaffirment leur volonté de demeurer Français. Certes, le mode de scrutin référendaire qui a été opté dans les années 70 fut sans doute une usurpation. Mais admettons que l’on ait pris les résultats des voix exprimées dans le référendum dans leur globalité et que le « oui » l’emporte seulement à Mayotte: les Mahorais se seraient vus résignés à faire partie de l’Union des Comores malgré eux. Moralement et démocratiquement on ne peut pas obliger un peuple tout entier avec un espace géographiquement défini et indépendant des autres îles de vivre avec des gens en qui il ne se reconnaît plus.

Et pourtant, par le biais d’un mémorandum, les Comoriens interpellent la communauté internationale pour que celle-ci fasse pression sur la France. Au lieu de consacrer leur énergie à la réflexion sur la prospérité comorienne, soutenue par des métropolitains, des intellectuels Comoriens se battent corps et âme pour que Mayotte soit intégrée dans le giron comorien. Le choix des Mahorais à rester français est ainsi sans cesse remis en cause et nié par des Comoriens au nom du principe de « l’intangibilité des frontières ». En effet, la résolution n° 1514-XV du 14 décembre 1960 (des Nations Unies) a imposé le respect des frontières coloniales au cours de l’accession à l’indépendance des pays colonisés. Le droit international fondé sur « l’intangibilité des frontières » coloniales se heurte ainsi au droit international fondé sur la liberté « des peuples à disposer d’eux-mêmes » (article 2 de la charte des Nations Unies du 25 juin 1945). Ce principe de la libre détermination des peuples est un héritage des philosophes des Lumières, de la Révolution française, émane de la souveraineté nationale, est défini dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (26 août 1789) et est prévu par le droit national français (Constitution du4 octobre 1958). La revendication française et départementaliste de l’île de Mayotte repose juridiquement sur la dernière disposition de l’article 53 de la Constitution de la Vème République française : « nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées.»

Derrière le terme d’ « unité » de l’archipel prononcé régulièrement par les Comoriens, il n’y a pas de réel projet pour les îles. Mais pourquoi un tel acharnement des Comores à voir Mayotte devenir une des leurs ? Le retour de Mayotte dans l’archipel est un leitmotiv sans avenir. S’indigner de la position mahoraise, c’est avant tout esquiver le débat comorien et faire l’économie de vraies questions. Les Mahorais ne sont pas prêts à rejoindre le destin des Comores qui ressemble à de nombreux régimes véreux communs à l’Afrique : misère (niveau de vie 9 fois inférieur à celui de Mayotte), corruption et instabilité politique (18 coups d’Etat en 34 ans d’indépendance). C’est vouloir l’unité pour l’unité ou simplement freiner l’essor de Mayotte et plonger l’ensemble du peuple mahorais dans cette même misère que les Comoriens tentent de fuir chaque jour en essayant d’atteindre les rives mahoraises. Ne serait-il pas plus utile de mettre en place une réelle coopération entre les îles permettant de ne plus voir ces milliers de corps sans vie sur les plages de la côte mahoraise ? Ne serait-il pas plus intéressant de profiter du développement de Mayotte pour établir des liens coopératifs entre les îles ? Ces îles sont sœurs mais leurs autonomies doivent être respectées et reconnues. D’ailleurs, cette unité comorienne n’a jamais formellement existé avant la colonisation. Avant que ces îles ne forment une union des îles, elles étaient autonomes et indépendantes, et entretenaient entre elles seulement des relations commerciales, et dans le pire des cas, se faisaient la guerre sous l’égide des sultans. Donc, comment parler de « retour » de Mayotte dans l’archipel des Comores s’il n’a pas été avéré que Mayotte puisse en avoir fait partie par le passé ? Les arguments comoriens s’effritent comme leur idée de « nation comorienne ».

Pris dans cette contradiction, entre anticolonialisme et autodétermination des peuples, il est bien difficile de se positionner de manière neutre. La seule solution existante est encore d’exiger que la question de Mayotte soit tranchée définitivement par la communauté internationale en organisant une consultation sous sa responsabilité, sur trois options : l’intégration de l’ile dans l’Etat comorien, l’indépendance de l’ile et le rattachement de l’ile à la France. Laissons le peuple mahorais s’exprimer en toute transparence. Les Mahorais et Mahoraises désirent simplement être reconnus comme Hommes par les autres Hommes, ne nions pas leurs choix. Leur souhait est celui d’être LIBRE, accepter l’indépendance de Mayotte par rapport à l’archipel serait là une vraie décolonisation.

Coralie W.