30 novembre 2000

Egypte - Elections et mobilisations

Les élections législatives en Egypte, qui ont commencé le 18octobre, se sont terminées le 14 novembre par une petite percée de l'opposition, malgré la fraude et les violences habituelles. La situation reste par ailleurs marquée par le mouvement de solidarité avec la nouvelle Intifada palestinienne.

Les histoires qui circulent sur les dernières élections législatives se ressemblent toutes: là, une journaliste partie en reportage dans un petit village a été enfermée par les forces de sécurité pour l'empêcher de photographier ceux qui avaient été blessés par ces mêmes forces; telle autre s'est vu confisquer son appareil photo, frappée et jetée à terre par l'une des "femmes de main" du pouvoir. Ces histoires sont très représentatives du déroulement des élections 2000 et relativisent les résultats que certains analystes prennent pour le "début de la transition démocratique en Egypte".

Abstention

Rien n'est moins sûr en effet. Les élections 2000 se caractérisent, comme toujours d'ailleurs, par leur taux de participation très bas (selon les chiffres officiels: de 15 à 40% selon les circonscriptions, 13% auCaire), et surtout, la violence était toujours là, omniprésente, pour garantir la victoire des candidats du pouvoir. Les balles des forces de répression ont coûté la vie à près de 10 personnes et blessé des dizaines d'autres. Les résultats, quant à eux, s'ils réservent -c'est vrai- quelques surprises, ne changent rien au principal: le Parti national démocrate (PND, au pouvoir) même s'il n'a recueilli que 39% des suffrages, se retrouve majoritaire avec près de 85% des députés dans la nouvelle assemblée, après le ralliement des "indépendants". Ceci, même si l'opposition réalise un petit mieux, avec 16 sièges en tout (sur 444...), dont 7 pour le Wafd (opposition libérale), 6 pour le Rassemblement (gauche), 2 pour les nassériens. Et même s'il y a aussi, par ailleurs, parmi les députés indépendants 17 Frères Musulmans (sur 75 candidats seulement puisque 700 cadres de ce mouvement interdit avaient été arrêtés en prévision des élections) et 5 nassériens en rupture avec leur parti.
Les raisons de cette toute petite percée? La présence d'un juge dans chaque bureau de vote a sans doute joué. Mais la raison principale est qu'il était difficile pour le pouvoir de réprimer davantage alors que la plupart de ses candidats sont impopulaires - sans parler du sigle "PND" - et que le ras le bol de la population a atteint un point délicat à gérer pour le gouvernement: le prix du sucre a plus que doublé en un an, alors que le mois de ramadan vient de commencer. Ceci tandis qu'un peu tout le monde continue à faire preuve d'une prédisposition à la lutte. La nouvelle Intifada a en effet déclenché une vague de solidarité sans précèdent, qui s'est manifestée de diverses manières: manifestations de lycéens et d'étudiants (ceux d'entre eux qui avaient été emprisonnés après le mouvement ont été libérés depuis), appels au boycott des produits américains et israéliens, etc. Le dimanche 26novembre, une manifestation de 10000 personnes a encore eu lieu à al-Arish pour accueillir la caravane de nourriture et de médicaments envoyée par le Comité populaire de solidarité avec le peuple palestinien, en présence de 150 de ses membres. La caravane a été arrêtée par les forces de police égyptiennes, et a dû rentrer auCaire.

Pression populaire

C'est sans doute aussi cette pression de la rue qui a poussé le gouvernement à "rappeler" son ambassadeur à Tel Aviv, même si ce n'en est évidemment pas la seule raison. C'est aussi cette pression, ce contexte social et politique qui éclaire les résultats des élections. Ce contexte de relative remobilisation explique que le gouvernement hésite encore à faire passer la nouvelle loi du travail, qui constitue une attaque frontale envers les droits de tous les travailleurs. Ceux-ci devront profiter de ce contexte, dans les mois à venir, pour riposter à toutes les attaques qui se préparent.

AuCaire, Layla Badawi

Rouge 30/11/00