18 janvier 2001

Algérie - Ecrans de fumée

Un président décevant de plus ou de moins ou les révélations des uns et des autres sur les luttes de sérail, ce n'est pas cela qui passionne les Algériens en ce début de siècle. Les difficultés sociales, le chômage, les licenciements que vient d'annoncer le ministre des Privatisations et les trahisons de la centrale syndicale inquiètent bien plus la population.
La "concorde civile", projet présidentiel, serait un échec, et les cercles politiciens, plus réduits que jamais, rivalisent avec les fronts minoritaires pour alimenter une campagne contre le personnage de Bouteflika, destinée à masquer la déroute du régime. Il semblerait que les rapports entre l'armée et Bouteflika soient au plus mal et que la Grande Muette ne veuille pas le laisser finir son mandat. Aux rumeurs de coup d'Etat et de scénarios d'attentat raté succède la révélation de l'avocat Ali Yahia Abdennour sur l'appel du président à des appuis américains pour se débarrasser des décideurs de l'armée. Et le président de la Ligue des droits de l'Homme de nous apprendre que les droits de l'Homme ne font pas partie de la culture du prétendu sauveur de l'Algérie. Et les journalistes de découvrir que son mot d'ordre de paix n'était qu'un calcul pour attirer les investisseurs étrangers...
Les généraux tiennent les rênes
La démarche de réconciliation avec les groupes armés est avant tout celle des généraux. Rappelons que pour sauver leur politique d'éradication appliquée depuis 1992, les généraux Lamari, Taoufik et compagnie, agacés par le rapprochement que tentait le précédent président, Lamine Zéroual, avec les dirigeants du FIS emprisonnés, avaient négocié dans l'urgence une trêve en 1997 avec les troupes de l'AIS, armée quasi régulière du FIS, ennemie des incontrôlables GIA. Rappelons que l'armée a négocié cette trêve en profitant du recul de la crédibilité des islamistes armés auprès des masses qui ne les soutenaient plus, suite aux attentats aveugles, aux viols et massacres des deux années précédentes. Rappelons que Bouteflika a été placé à la tête de l'Etat algérien par l'armée, au moment où cette trêve devait prendre forme. Rappelons que les réconciliateurs, FFS, PT et autres, ont applaudi à la démarche de réconciliation nationale du nouveau président et que les éradicateurs, "républicains" du RCD et de l'ANR, ont accepté de rejoindre son gouvernement auprès d'islamistes haïs. La minorité des ex-staliniens transformés en libéraux "modernistes" a continué, seule, à crier à la trahison, essayant désespérément de se trouver encore des alliés au sein du sérail. Alors, pourquoi cette campagne hypocrite?
Bouteflika continue ses périples à travers la planète. Ses brèves escales à Alger lui servent à nommer les secrétaires généraux de telle ou telle administration. On s'étonne du retour de personnages oubliés, mais quelle autre possibilité pour un président qui ne s'est pas construit sa propre assise? On y voit la volonté de gouverner seul. Certes! Mais c'est surtout la preuve qu'un président qui a besoin de se substituer à un ministre, un préfet, un chef de service n'a pas l'usage de ses pouvoirs présidentiels.
Crimes libéraux
Loin de ces calculs sordides, les Algériens sont déboussolés par les coups portés par la coalition du gouvernement algérien, de l'Union européenne et de la Banque mondiale. Le gouvernement aurait accordé une augmentation de 2000 dinars du Smic grâce aux négociations avec la centrale syndicale. Il a surtout changé de mode de calcul du Smic, en réduisant le bénéfice de cette augmentation à quelques milliers de miséreux. Il a revu la fiscalité et réduit les trois taux de TVA à deux seulement, le taux supérieur disparaissant. Il annonce 20000 emplois suite au déploiement prévu après les privatisations, mais si les premiers sont fictifs pour le moment, les licenciements sont bien réels et les conditions posées par les partenaires étrangers sont sans appel.
Et Prodi ne se déplace cette semaine que pour constater l'avancée du chantier et proposer aux trois voisins du Maghreb de saigner leurs peuples ensemble plutôt que séparément...
Malika Aïche

Rouge 18/01/01