26 novembre 2004

CÔTE-D’IVOIRE - La position de la LCR

Face à l’approfondissement de la crise en Côte-d’Ivoire, dont la logique peut conduire au chaos, nous publions ici la prise de position du bureau politique de la LCR.

La récente crise en Côte-d’Ivoire a poussé le pays au bord de l’abîme. La politique de la France en Afrique, et particulièrement dans ce pays, porte une lourde responsabilité. Après trente ans de règne du dictateur Houphouët-Boigny, qui protégeait les grands intérêts français omniprésents, ce sont encore ces entreprises françaises qui raflèrent la mise lors de la vague des privatisations : Bolloré le bois et les plantations, Bouygues le bâtiment, les travaux publics, l’eau et l’électricité, France Télécom le téléphone, la SNCF, le chemin de fer... Ayant bradé à bas prix ses principales ressources, l’État a été ruiné. Les populations se sont appauvries. Et les gouvernements successifs de Côte-d’Ivoire, pour se maintenir au pouvoir, ont dérivé vers une infernale politique d’ethnicisation de la vie politique et sociale. Pendant 10 ans, de Bédié à Gbagbo, ils ont activé les clivages religieux : chrétiens contre musulmans, sudistes contre nordistes, « ivoiriens authentiques » contre « allogènes » de toutes sortes. Dans ce pays, mosaïque de peuples rassemblés dans les frontières arbitraires dessinées par la colonisation, et où 30 % de la population est d’origine étrangère, c’est un poison mortel. L’actuel président Gbagbo n’est pas légitime, il a accepté d’être élu quand 70 % des électeurs avaient refusé de participer à des élections réservées aux « vrais Ivoiriens ». Il se disait au début de gauche, sa politique au pouvoir est celle qu’un Le Pen propose en France. Lorsqu’une nouvelle rébellion est apparue, divisant le pays en deux, la France s’est interposée. Ce n’était pas le sort des Ivoiriens qui la préoccupait, mais la « stabilité » du pays pour le bénéfice des intérêts français. Le camp gouvernemental recrutait des milices par milliers, sur une base ethnique, composées de jeunes désœuvrés excités par des discours xénophobes relayés par les médias. Il assassinait des journalistes et personnalités, les manifestations pacifiques de l’opposition étaient dispersées dans le sang, des chasses aux Dioulas dans les quartiers d’Abidjan faisaient l’an dernier 200 morts, tués parfois à la machette. Les militaires français, censés « protéger les populations » ne bougèrent pas. Refusant le plan de paix proposé l’été dernier par l’Union africaine à Accra, qui prévoyait de mettre fin à la politique « d’ivoirité », de désarmer les deux camps, et d’organiser des élections en 2005, le régime de Gbagbo s’est engagé dans une fuite en avant en reprenant la guerre. La France ne peut faire partie de la solution parce qu’elle fait partie du problème. Aussi nous exigeons que soit retirée à la France la gestion de la crise en Côte-d’Ivoire, que les troupes françaises soient retirées, qu’une solution africaine soit mise en œuvre. Et toute la politique passée et présente de l’armée française démontre qu’elle ne peut être un facteur de paix sur ce continent. Sauf à ignorer le danger que courent les populations abandonnées en un huis clos meurtrier face au régime, il faut d’urgence une solution africaine pour empêcher la dérive du gouvernement Gbagbo dans sa logique de guerre et d’épuration ethnique. Malgré toutes les méfiances que nous devons avoir sur la volonté des gouvernements africains, l’urgence impose une interposition militaire en Côte-d’Ivoire à la place de l’armée française. Dans l’impasse actuelle, des troupes de pays de l’Union africaine, non directement parties prenantes du conflit, doivent être déployées, avec mandat de protéger toutes les populations et de garantir un cessez-le-feu. Une solution politique ivoirienne implique d’imposer aux belligérants des élections générales permettant à tous les Ivoiriens, sans distinction, d’élire une Assemblée qui prendra les choses en main. C’est le seul moyen de redonner la parole aux Ivoiriens, pour qu’ils reprennent le contrôle de leurs ressources, de leurs services publics privatisés, pour leur permettre de rompre avec une « Françafrique », qui, décidément, entraîne les pays qu’elle domine dans un terrible chaos.
Bureau politique de la LCR

2004-11-25