10 décembre 2004

CÔTE-D’IVOIRE - L’obstacle Chirac

Pour les généraux français, il n’est « ni prévu, ni planifié » d’alléger les troupes françaises en Côte-d’Ivoire, « les contingents de l’ONU n’ont jamais eu la moindre crédibilité, il faut une nation cadre qui ait sa liberté d’appréciation et de mouvement ». Les reportages sur les 20 à 50 civils tués récemment montrent l’incapacité de l’armée française à jouer un rôle neutre de pacification. Le 43e Bima, pointe avancée de l’armée coloniale française, présent dans ce pays depuis des lustres, en est tout un symbole, cristallisant les rancœurs des Ivoiriens. Une commission d’enquête parlementaire s’impose, pour faire la lumière sur l’action de l’armée française et sur les responsabilités politiques ou économiques des institutions comme des multinationales françaises dans la crise ivoirienne. Pourquoi, alors que le président sud-africain, Thabo Mbeki, au nom de l’Union africaine, mène des consultations pour trouver une solution politique et démocratique, Chirac soutient-il une autre médiation, sous l’égide de l’Organisation internationale de la « francophonie » ? Ce club fermé des potentats adeptes de la Françafrique, réuni la semaine passée au Burkina, est mal placé pour donner des leçons de démocratie et de lutte contre l’ethnisme. Mbeki a posé comme condition première une réforme de la Constitution, qui empêche la présentation de candidats dont le père ou la mère ne seraient pas de « vrais Ivoiriens ». Gbagbo prétend qu’un référendum est nécessaire, s’accrochant à un pouvoir qu’il perdrait au terme de vraies élections démocratiques. Ancien opposant de gauche, il a adopté une politique xénophobe qui plairait à Le Pen. L’« ivoirité », ce sont aussi les milices qui terrorisent et tuent. C’est une politique qui gangrène tout processus de démocratie, d’unité nationale et de souveraineté populaire. Mais pour imposer une autre voix que celle du néocolonialisme ou de la guerre civile, la France doit se retirer et laisser l’Union africaine œuvrer à une solution démocratique et pacifique.
Alain Mathieu

2004-12-09