26 mai 2005

TOGO - Dans la tourmente

Les Togolais ont besoin de la solidarité des citoyens européens, alors que la dictature a le soutien de Chirac, qui voudrait entraîner l’Europe à sa suite.

Après la mascarade électorale à grande échelle, l’armée utilise tous les moyens pour terroriser le peuple togolais (800 morts depuis trois mois). La répression s’étend, des milliers d’électeurs et de militants de l’opposition cherchent refuge au Ghana ou au Bénin voisins, 500 y affluent chaque jour. Le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) met sur pied des camps de réfugiés, et tous leurs témoignages concordent avec les alertes de la Ligue togolaise des droits de l’Homme : des réfugiés togolais appelés par les autorités « à rentrer au pays en toute sécurité » ont été arrêtés arbitrairement ou ont dû reprendre le chemin de l’exil, notamment ceux qui avaient été délégués de l’opposition dans les bureaux de vote. La chasse à l’Homme se poursuit, les gendarmes font irruption la nuit dans les maisons et les disparitions se multiplient.
Après avoir adressé ses « vœux de plein succès » au tricheur Gnassingbé dans une lettre de « félicitations » rendue publique par la présidence togolaise, Chirac a fait pression sur les pays de la Cedeao pour que celle-ci reconnaisse la légitimité de l’élection, et pour qu’elle pousse l’opposition à accepter de rentrer dans le gouvernement. Comme les représentants du Nigeria sont actuellement à Paris pour renégocier un allégement de la dette, ça tombe bien. Au Nigeria, la rencontre entre opposition et pouvoir a tourné court : la principale force d’opposition refuse toute participation à un gouvernement de transition tant que ne sera pas organisée une nouvelle élection sous supervision internationale, avec restauration de tous les droits démocratiques.
En Europe, la Grande-Bretagne et surtout l’Allemagne considèrent depuis longtemps que la politique de Chirac au Togo est dangereuse, et qu’elle mène au chaos. Quelles qu’en soient les raisons, y compris une défense bien comprise des intérêts des puissances européennes en Afrique, leur position favorable à une démocratisation du pays tranche avec le soutien éhonté de la diplomatie française à la dictature. Pourtant, le commissaire européen chargé du développement et de l’aide humanitaire, le Belge Louis Michel, a « pris note de l’investiture » de Gnassingbé, reconnaissant le régime. La surprise est venue des députés au Parlement européen, qui ont voté, sur proposition du PSE, le 12 mai, à Strasbourg, une résolution qui réfute la « légitimité des autorités issues du scrutin ». Ils « soulignent que ces élections ne répondent pas aux conditions préalables à la reprise » de l’aide européenne, suspendue depuis 1993 et que la Commission avait l’intention de rétablir. Ils demandent « de nouvelles élections présidentielle et législatives », « sous contrôle international », une enquête indépendante « pour faire la lumière sur les exactions commises » et « une conférence nationale » avec les partis politiques et la société civile.
Le Parlement européen prend donc le contre-pied de la Commission, de Louis Michel... et de Chirac, mais ça ne devient pas pour autant la position de l’Union européenne. En France, les députés de la « gauche du oui » comme ceux de la « gauche du non » oseront-ils voter à l’Assemblée nationale française la même position que leurs collègues de Strasbourg ? Les événements européens autour du Togo devraient inciter encore plus à voter « non » au référendum, pour donner une bonne claque à Chirac, « chef du “oui” », mais aussi « chef de la Françafrique ». Affaiblir Chirac, c’est affaiblir sa capacité de nuisance, en France comme en Afrique. Et la Constitution qu’il défend entérine pour l’Europe un système où l’intergouvernementalité reste la règle. Une somme de raisons d’États, garantie par la suprématie de la Commission sur le Parlement, qui convient à tous ceux, comme Chirac, qui ne veulent soumettre leur politique africaine à aucun contrôle, ni au Parlement national ni au Parlement européen.
L’opposition togolaise en France, qui attend toujours des actes forts de la part de la gauche française, manifeste tous les vendredis devant l’ambassade du Togo à Paris, aux cris de « Chirac assassin de la démocratie ».
Alain Mathieu

Rouge 2005-05-26