1 juillet 2005

ALGÉRIE - Grande braderie nationale

L’État algérien libéralise le secteur des hydrocarbures pour satisfaire aux appétits des multinationales.

Le 1er juillet, l’accord de partenariat entre l’Algérie et l’Union européenne devait entrer en vigueur. La visite, cette semaine, de la commissaire européenne aux Relations extérieures et à la Politique de voisinage, à Alger, semble indiquer un report de date. La multiplication des poursuites judiciaires contre la presse algérienne dite indépendante et la distribution de peines à quelques journalistes connus ne semblent pas étrangères au fait.
« Ce qui est positif doit être jugé positivement » a déclaré l’émissaire diplomatique que l’on sent gênée de peiner un si bon élève que l’Algérie. Les Algériens qui s’échinent à survivre avec des salaires de misère savent bien de quoi l’Union européenne veut féliciter les gouvernants algériens. Le pétrole et le gaz, principales ressources du pays, ont été bradés, le 20 mars dernier. Le Parlement algérien a voté une loi qui supprime la souveraineté algérienne sur son sous-sol.
Les multinationales pourront ainsi détenir 70 % des parts de propriété, et même 100 %, si la société publique, Sonatrach, renonce aux 30 % qui lui sont concédés. L’Algérie devient ainsi le seul pays de l’Opep à renoncer à la règle des 51 % contrôlés par un État producteur. L’entreprise d’État et les multinationales sont mises en concurrence directe : ainsi, Sonatrach n’a bénéficié d’aucun des cinq derniers appels d’offres en mai dernier. La nouvelle Autorité de régulation des hydrocarbures est chargée d’arbitrer entre les intérêts de l’entreprise algérienne et ceux des investisseurs privés. Elle fixera donc les prix des produits dérivés du pétrole sur le marché intérieur. Ainsi les Algériens paient leur gaz 5 % plus cher.
La logique relève des négociations entamées avec l’OMC et qui sont près d’aboutir. Quel rapport avec l’Union européenne, donc ? L’accord vise « à développer les échanges, assurer l’essor de relations économiques et sociales équilibrées et fixer les conditions de la libéralisation progressive des échanges de biens, de services et de capitaux ». Il fallait donc s’attaquer aux barrières douanières, c’est fait depuis l’ordonnance présidentielle du 20 août 2001. Il ne reste plus qu’à élargir la brèche jusqu’à 2012, date de création d’une zone de libre-échange.
L’accord garantit, d’autre part, « la libre circulation des capitaux concernant les investissements directs en Algérie ainsi que la liquidation et le rapatriement du produit de ces investissements ». Autrement dit, les multinationales peuvent quitter le pays quand elles le décident avec leur capital d’investissement et rapatrier leurs bénéfices à tout moment.
Quel intérêt pour le pays d’accueil puisque même la proposition de favoriser l’emploi d’une main-d’œuvre algérienne n’a pas été retenue ? Les salaires de misère payés aux nationaux ne garantiraient donc pas les taux de profit que visent les multinationales. Mais comment placer des capitaux dans un pays instable qui sort à peine d’une guerre civile ? Rassurer les investisseurs est donc la mission que s’est donné le président des Algériens, Abdelaziz. Bouteflika, depuis son premier mandat : paix, réconciliation nationale, projet d’amnistie... et libéralisation extrême. Pour la sécurité maximale de la circulation des capitaux, il fallait des banques privées. Elles existent, désormais. Il faut supprimer la toute puissance des banques algériennes chargées du change. Leur privatisation est au menu. Que reste-t-il ? Les réserves de change accumulées ces dernières années grâce à la hausse du baril de pétrole ? Près de 50 milliards de dollars, dit-on.
Qu’à cela ne tienne ! La présidence et son gouvernement proposent le paiement en avance de traites de la dette publique et un plan « Marshall ». Ce plan de relance, qui calmera au passage la colère des salariés qui voient leurs usines bradées à des prix symboliques et celle des jeunes condamnés aux chômage, se chargera de préparer les routes et chemins de fer nécessaires au négoce international qui s’installe confortablement.
Malika Aïche

2005-06-30