15 mars 2007

Malcolm X, l’Afrique, l’internationalisme

Plus de quarante ans après son assassinat, Malcolm X vit toujours dans les rues de New York, Los Angeles, Londres ou Paris, mais aussi en Afrique et aux Caraïbes ; des milliers de jeunes portent casquettes et T-shirts à son effigie, et cherchent à en savoir plus sur celui qui reste le symbole d’une lutte radicale contre le racisme et l’oppression. Mais beaucoup de commentaires en donnent une image déformée et passent sous silence ses évolutions politiques. Notamment dans sa dernière année, après sa rupture avec les « Black Muslims », quand il établit le contact avec les mouvements de libération qui secouent le joug colonial en Afrique. Une partie de sa vie le plus souvent niée, parce que plus radicale, plus internationaliste, plus dangereuse pour l’ordre établi.

« Ma vie a été une vie de changement », déclarait Malcolm X.
Malcolm Little est né à Omaha, USA, en 1925. Condamné à dix ans de prison à l’âge de 21 ans, il se convertit à l’Islam en prison. À sa libération en 1952, il adhère à la « Nation de l’Islam », une secte religieuse connue sous le nom de « Musulmans Noirs ». Il adopte le nom de Malcolm X – pour souligner que son véritable nom africain a été enlevé à ses ancêtres par les esclavagistes. Il devient un des orateurs de plus en plus populaire parmi les afro-américains.
Ses divergences vont se développer avec la direction de la « Nation de l’Islam » au fur et à mesure qu’il apporte des perspectives plus radicales aux luttes menées à cette époque par la population noire aux USA et par les peuples opprimés du monde.
En 1964, il effectue deux importants voyages au Moyen Orient et en Afrique. Son pèlerinage à La Mecque, la fraternité qu’il y rencontre avec des hommes de tous les continents lui donna une vision de l’Islam bien différente de celle que prônait la secte « Nation de l’Islam ». Puis il rencontre en Afrique de nombreux leaders des mouvements qui luttent pour l’indépendance de leur pays : Nyerere, Nkruma, Kenyatta, Nasser, les dirigeants de la jeune Algérie indépendante. Malcolm tenta de convaincre les dirigeants africains des nouveaux pays indépendant d’obtenir la condamnation par l’ONU des USA pour leur politique de discrimination aux USA. Un débat à l’ONU qui fut aussi dominé sur la situation au Congo : le régime néocolonial de Moïse Tchombé, qui assassinat Lumumba, était défendu par une intervention militaire étrangère, dont les avions étaient américains, les pilotes des Cubains anti-castristes, les parachutistes belges …. A New-York, Malcolm aura un long entretien avec Ernesto Guevara quand celui-ci conduisit en 1964 la délégation cubaine à l’ONU, et ils gardèrent des liens. Quelques mois avant son assassinat, Malcolm proposa de recruter, à Harlem et ailleurs, des volontaires noirs prêts à se porter au secours des insurgés au Congo et à combattre les mercenaires blancs. Guevara se rendit en Afrique pour coordonner avec les gouvernements de Ben Bella et de Nasser le soutien à la révolution congolaise. Effectivement, au milieu de l’année 1965, le Che débarquait au Congo, sur le front est de la résistance au Kivu, à la tête d’un groupe de ses anciens guérilleros de la Sierra Maestra. Sans succès, car le mouvement national congolais était déjà battu, et il repartit un an après vers la Bolivie. Cet épisode, qui a marqué les mémoires des militants anti-impérialistes de la région des grand lacs africains, a été longtemps ignoré ou nié.
L’époque était celle des révoltes de 63 et 64 dans les ghettos, la lutte pour les droits civiques aux USA, l’impact des révolutions en Afrique, et à Cuba notamment peuplée d’une majorité de descendants d’esclaves africains. Malcolm voulait établir le lien entre toutes ces luttes. Dans sa dernière année il commença à construire une organisation politique noire indépendante, s’opposa aux Républicains comme aux Démocrates, suivit une évolution politique anticapitaliste, affirmant que le racisme était une donnée de base et un besoin du capitalisme. Tenant du nationalisme noir aux USA, il évolua dans son interprétation du nationalisme, moins vers un territoire indépendant pour les noirs aux USA, mais plutôt vers un contrôle par les Noirs eux-mêmes de leur communauté, de leurs intérêts, de leurs luttes, de leur autodéfense contre les attaques du Klu Kux Klan et des flics. Il rejetait la non-violence qui demandait « au Noir de tendre la joue quand il s’était fait décrocher la mâchoire ». Il s’engagea contre la guerre au Vietnam, et il était envisagé qu’il parle à la première manifestation du mouvement anti-guerre prévue en 1965 aux USA ; son pouvoir de conviction et sa popularité dans la communauté noire et chez les jeunes auraient pu changer beaucoup de choses.
Mais, devenu l’ennemi public N° 1, on ne le lui laissa pas le temps de le faire ; nul besoin de chercher bien loin qui était derrière son assassinat et à qui profita le crime : ce sont les mêmes qui tuèrent d’autres leaders noirs, Martin Luther King ou Patrice Lumumba, les mêmes qui bombardaient le Vietnam et menaient la guerre en Algérie, au Cameroun ou au Congo…

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15 mars 2007