27 juin 2007

Dis moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es

Avant les élections présidentielles Sarkozy nous expliquait que dorénavant entre la France et l’Afrique :


«Il nous faut les débarrasser des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandats que celui qu’ils s’inventent. Le fonctionnement normal des institutions politiques et diplomatiques doit prévaloir sur les circuits officieux qui ont fait tant de mal par le passé. Il faut définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés, notamment avec nos partenaires africains et arabes.» .


Et les commentateurs de la vie politique d’y voir une rupture avec les pratiques néocolonialistes de la France.


Mais évidemment entre ce que Sarkozy dit et ce qu’il fait il y a une sacré distance, que Nil et Congo, réunis ne combleraient


Le 22 mars, Sarkozy se rend dans l’hôtel particulier qu’Omar Bongo, dictateur gabonais, possède dans le 16° arrondissement afin d’y « recueillir ses sentiments d’amitiés ». Que se sont-ils dit ? Mystère, pour « tourner la page des complaisances » c’est plutôt raté.


Le soir de l’élection présidentielle Sarkozy lui téléphonera pour le remercier de ses conseils. Le dictateur gabonais n’est pas n’importe qui dans le dispositif néo-colonial qui régit les relations entre la France et le Continent noir ; il en est une pièce essentielle.


Mais pas de jalousie, les amitiés du nouveau président français ne se résument pas à Bongo, puisque lors d’un interview à Jeune Afrique, les présidents malien Amadou Toumani Touré, béninois Boni Yayi, et congolais Denis Sassou N’Guesso qu’il a fréquenté dernièrement à l’hôtel Meurisse et d’autres sont bien appréciés.


Appréciés aussi les dirigeants des entreprises qui pillent l’Afrique. L’épisode de la croisière à Malte, sur le Yacht la Paloma et le transfert par jet privé offerts par Bolloré juste après le second tour des élections, indique bien que Sarkozy n’hésitera pas à renouveler le système néo-colonial que Foccart à l’époque de De Gaulle avait mis en place.


Le groupe Bolloré n’est pas que le tour-opérator de Sarkozy, il est présent dans la quasi totalité des pays africains, contrôle directement ou par le biais des filiales, le transport terrestre (SDV Saga et Transami), possède 115 agences maritimes, est leader sur la manutention portuaire, est présent dans le transport ferroviaire, notamment au Cameroun avec Camrail, et sur la ligne entre la Côte d’Ivoire et le Burina Faso avec Sitarail, est copropriétaire de Carena chantier Naval d’Abidjan, possède des compagnies maritimes comme Delmas, Otal et Linea Setrama qui desservent la quasi totalité des ports Africains. Environ un quart de son chiffre d’affaire est opéré sur le Continent.


On retrouve dans le conseil d’administration de cette société l’ancien ministre de la coopération, ex dirigeant de la DGSE, Michel Roussin.

Se « débarrasser des réseaux d’un autre temps », là encore c’est raté !.


Les succès en affaire du groupe Bolloré sont surtout liés à sa capacité de … manigance : Au Togo, accusation de corruption de magistrat dans une affaire l’opposant avec une société espagnol, ce qui a valu aux dirigeants de goûter quelques heures l’hospitalité pénitentiaire de Lomé.

Au Cameroun à l’issue d’un appel d’offre pour la gestion de l’activité conteneur du port de Douala, c’est le groupe Bolloré qui l’emporte ; seul problème leur proposition est une des moins disante de la dizaine d’entreprises participantes.

En Côte d’Ivoire l’obtention par SETV, filiale de Bolloré, de la gestion du terminal du port d’Abidjan sans un seul appel d’offre suscite de nombreuses suspicions y compris au niveau des bailleurs de fonds.

Idem au Gabon ou l’attribution des activités du port de Libreville au groupe Bolloré a été des plus opaque avec, en parallèle, des virements financiers à l’étranger de certains dirigeants de l’OPRAG (Office des Ports et Rade du Gabon).


Enfin au moment ou le procès de Charles Taylor s’ouvre pour crime contre l’humanité, il serait cruel de rappeler que le groupe Bolloré, en plein massacre au Libéria, n’a pas hésité une seconde à acquérir 150 000 hectares d’hévéas à la Bong Bank de Gbatu Taylor [frère de Charles Taylor] .

Mais comme dirait Sarkozy : Vincent Bolloré est un des grands industriels français (…) il fait honneur à l'économie française". Désormais on sait à quoi s’attendre !

Paul Martial


Le 06/05/2007