12 mars 2008

Les turpitudes de la gauche radicale sénégalaise


Depuis l’année dernière, AJ-PADS (1) traverse une crise politique très profonde. Cette crise résulte du choix politique opéré depuis les années 2000 de se rapprocher stratégiquement du PDS (2) aussi bien dans le cadre d’alliances gouvernementales que d’alliances électorales.

Les militants et les sympathisants du parti ont été trompés et n’ont pu intervenir, espérant que cette participation aux affaires pourrait permettre des avancées pour les travailleurs. Il n’en est rien ! Face à cette situation, il y a depuis deux ans un désaveu croissant des cadres politiques et des masses urbaines et rurales à l’encontre du parti, désorientés par les errements de la direction : silence face aux détournements massifs de biens publics, silence sur la hausse impressionnante des prix des produits de première nécessité, accord sur la privatisation des entreprises publiques, accord sur une Constitution quasi monarchique, soutien politique pendant toute sa mandature au président libéral de plus en plus autoritaire et clientéliste Abdoulaye Wade, décision purement tactique de démissionner du gouvernement quelques semaines avant les présidentielles et de se présenter seul en 2007… Cette politique active de collaboration de classe s’est traduite par une déculottée électorale (moins de 2%), la perte de la base sociale de la Casamance, la casse de l’outil politique et la démoralisation de nombreux militants lutte de classe.

Cette orientation, qui s’explique par la quasi-corruption des dirigeants du parti par Wade à travers l’attribution de postes de toutes sortes (ministères, directions générales, directions nationales d’institutions, présidences de Conseils d’administration), a fini par engendrer des protestions externes et internes. D’où l’apparition en 2007 d’un nouveau courant politique appelé « la Voie du peuple » composé d’exclus du parti, de militants radicaux qui demandent un retour à l’Acte fondateur de AJ-PADS, à savoir la lutte contre la domination impérialiste et le libéralisme, dans une perspective socialiste claire et nette.

Si, depuis les dernières élections, le PADS n’est plus au gouvernement (les dirigeants ont tout fait pour y retourner sans succès), il n’en demeure pas moins qu’il est en accord avec Wade. Le PADS n’est pas au gouvernement mais il n’est pas avec l’opposition. Cette position « ni poisson ni viande » adoptée par And-Jëf va accentuer la crise, car la direction a encore choisi d’aller aux élections locales de mai 2008 avec le PDS.

La position des militants révolutionnaires doit être claire et sans aucune ambiguïté : il n’y a aucun avenir avec cette direction. Se battre pour accélérer les différenciations, travailler à des regroupements avec toutes les forces qui se réclament de la lutte anticapitaliste et entamer la reconstruction d’une véritable gauche anticapitaliste et anti-impérialiste sont les tâches de l’heure.

Moustapha

Notes

(1) AJ PADS (And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme), fondé à la fin du XXe siècle par le regroupement de courants maoïstes et trotskistes. Ce parti est entré au gouvernement en 2000, lors de l’Alternance qui a porté au pouvoir Wade, porte-parole d’une coalition de partis opposés à la quasi-dictature du PS sénégalais. Depuis, il a géré loyalement le système de plus en plus libéral et ses dirigeants ont rejeté 40 années de luttes anti-capitalistes aux orties. Nos camarades ont soit quitté ce parti soit cherché à le redresser, en vain. Ils sont maintenant actifs au sein de la Voie du Peuple (Note de Slimane)

(2) PDS (Parti démocratique sénégalais) : droite libérale dirigée par Abdoulaye Wade, président depuis 2000.