12 mars 2008

Quand les luttes ouvrières d'Egypte défient Moubarak et ses alliés.*

Les revendications salariales, les protestations contre la vie chère rythment le climat social en Egypte. Depuis quelques années et surtout ces derniers mois, on assiste à une multiplication de grèves et manifestations des personnels hospitaliers, de l'éducation, de pêcheurs, paysans, et cheminots...Il faut dire que la collaboration du dictateur avec les Etats-Unis et Israël n'arrangent pas la stabilité du régime de Hosni Moubarak : il vend du gaz à bas prix à Israël alors que Gaza est en état de siège, et n'hésite pas à faire intervenir l'armée pour empêcher les ghazaouis de subvenir à des besoins vitaux. Cette attitude maladroite d'un dirigeant arabe, a fortiori d'un pays qui partage ses frontières avec la Palestine, est scandaleuse pour les égyptiens. A cela s'ajoute la probable désignation de son fils à la tête du pays, inaugurant alors une « une démocratie dynastique ».


C'est dans ce contexte de tensions sociales et geopolitique que les salariés de l'usine textile de Ghaz-al-mahalla al kubra entamèrent un vaste mouvement de protestation. Il intervient la veille de la convention chargée de fixer les salaires pour le pays. L'objectif est de faire pression pour augementer le salaire minimum à 175 euros, alors gelé à 5 euros depuis 1984 ! La manifestation du 19 février qui débuta dans l'usine fut ensuite rejointe par 10 000 habitants de la ville. La population brandissait du pain et scandait des slogans tels que : « On a marre de manger des fèves alors que les riches se gavent de poulet et de pigeons! », voire « A bas Hosni Moubarak ! Ton régime c'est de la merde ! ». La manifestation a du être organisée en secret par des syndicalistes et militants de gauche pour éviter qu'elle soit avortée par les services de police. Mais grâce à la masse de travailleurs impliqués et la population, l'intervention de la police a été impossible. Trop de monde pour embourber les patrons et Moubarak dans un nouveau scandale à deux mois des municipales.


Un pas intéressant à été franchi depuis la victoire de la grève de septembre 2007. En effet, cette lutte était motivée d'abord par des revendications locales, pour exiger une hausse des salaires et des primes alors que les bénéfices de la société ne faisaient qu'augementer. C'est par l'aboutissement positif de cette grève et la solidarité des travailleurs, entre autres, de Kafr Al-Dawar que les exigences prirent un tour plus global. Mahalla est également la plus grande usine textile du Moyen-Orient, soit 27 000 pers, et la plus mobilisée. Pour ces raisons, elle constitue un levier important contre le régime dictatorial de Moubarak. Sa politque pro-us, et la dernier massacre de Gaza par Israël en même temps que la visite de Condolezza Rice en Egypte déclencha des manifestations dans tout le pays. A Mahalla, 2000 salariés ont réussi à manifester, mais ils ont vite été encerclés par la police qui empêcha tout contact avec les habitants. 15 journalistes et militants ont été embarqués. Le dispositif répressif employé contre les mouvements sociaux et partis d'opposition est imposant. On ne peut pas taire les arrestations, tortures et le harcèlement de militants et cadres politiques.


La population en a assez de l'armée ! Assez de l'autoritarisme ! Assez de l'exploitation ! Kifaya ! Comme on dit en Arabe. Tel est le nom du jeune mouvement égyptien pour le changement, issu d'un rassemblement de forces de gauches, radicalement anti-moubarak et anti-impérialiste. Ce groupe politique, interdit en tant que parti, est un outil capable de continuer à initier, et faire converger les luttes quotidiennes du peuple égyptien. Parce qu'une autre Egypte, un autre Moyen-Orient est possible.


Sellouma


*Ce texte est basé sur un article paru dans le Socialist Worker du camarade Hossam el-Hamalawy, journaliste basé en Egypte. Je tiens particulièrement à le remercier pour les précieuses informations de Son Blog.