1 juin 2008

Violences xénophobes et frustration sociale en Afrique du Sud



Les attaques contre les immigrés qui ont éclaté pendant plusieurs jours dans de nombreuses villes d’Afrique du sud début mai ont causé la mort d’au moins une quarantaine de personnes et obligé des dizaines de milliers d’autres à fuir, pour se refugier dans des centres communautaires, des églises, voire même des stations de police, ou pour tenter de rentrer dans leur pays d’origine.

Ces violences xénophobes ont passablement terni l’image de la « nation arc-en-ciel » comme modèle d’harmonie et de prospérité pour le reste du continent. Elles sont les conséquences des terribles désillusions et de l’amertume créées par plus d’une décennie de politiques néolibérales et antisociales. Le fait qu’elles aient débuté dans le township d’Alexandra, à Johannesburg, un des hauts lieux de la lutte antiapartheid, est particulièrement significatif du profond malaise d’une partie de la population sud-africaine. Ce sont tou-t-e-s les laissé-e-s pour compte du « miracle » sud-africain qui a vu une minorité de Noirs (dont beaucoup d’anciens combattants de la libération et/ou camarades syndicalistes devenus ministres ou grands patrons multimilliardaires) s’enrichir insolemment sur le dos de l’immense majorité pour qui la vie est toujours aussi, voire encore plus, dure qu’avant. Et comme souvent, ce sont les étrangers, les travailleurs migrants, ceux-là même grâce auxquels s’est construite depuis toujours la richesse de l’Afrique du sud, qui ont été pris comme bouc-émissaires. Confrontés à quelques 40% de chômage, à la privatisation des services publics (eau, électricité, etc.), nombre de Sud-africains, dont plus de 50% vit avec moins d’1 euro par jour, ont reproché aux immigrés la pénurie d’emploi ou l’aggravation de la criminalité.

Dans un premier temps, les mouvements sociaux sud-africains ont été pris de vitesse par les événements. Mais très vite une réponse collective a commencé à se construire. Outre l’aide d’urgences aux victimes, la remobilisation des habitants des townships et des forces associatives, politiques et syndicales s’est rapidement opérée et a donné lieu à plusieurs marches de solidarité tout au long du mois de mai. Mais à moyen et à long terme, c’est bien la remise en cause du système qui exploite et opprime l’ensemble des travailleurs et habitants des townships, sud-africains ou immigrés, qui est posée, pour éviter qu’une prochaine fois encore une colère sociale légitime se retrouve aussi terriblement dévoyée. Et parmi les questions cruciales que les militants devront résoudre se pose celle de la construction d’une alternative de gauche à l’alliance tripartite ANC-Parti communiste-Cosatu (la principale confédération syndicale), au pouvoir depuis 1994, et qui porte l’entière responsabilité politique des exactions commises au cours de ces terribles semaines de mai.
Kohou Mbwélili