1 juin 2008

Contre Sarkozy et Ben Ali, solidarité Gafsa !


« Moi la tête, vous les jambes. Vous d’accord ? ». C’est ainsi que s’exprime le président Sarkozy dans une caricature publiée sur le blog du Tunisien About Malek Khadroaoui. Elle fait allusion aux propos suivants, tenus par Nicolas Sarkozy en Tunisie fin avril 2008: « Vous avez une main-d’œuvre qui ne demande qu’à être formée. (…) Nous avons beaucoup d’intelligence et beaucoup de formation. » (Sic) Sans même essayer de prendre des gants et de s’adresser à son public tunisien « sur un pied d’égalité » – ne serait ce que pour la forme – Sarkozy avait prononcé un discours une fois de plus rédigé par son tristement célèbre conseiller Henri Guiano. Le même qui avait déjà rédigé le discours de Dakar.

L’ « Union pour la Méditer-ranée » (UPM), grand projet sarkozyen s’il en est, verra officiellement le jour à Paris le 13 juillet 2008. Le régime tunisien est appelé à jouer un rôle de pilier au sein de la nouvelle « Union ». C’est à Tunis qui sera basé le siège des institutions de la future UPM. Sarkozy n’était pas seulement arrivé à Tunis pour renforcer le régime dans son rôle de pivot de la future « Union », mais aussi pour rafler quelques gros contrats « dès sa descente d’avion », comme l’a résumé Libération dans un article sur le premier jour de sa visite. Depuis janvier 2008 est en vigueur un accord de libre-échange entre l’Union européenne et la Tunisie, garantissant la libre circulation des biens industriels. Alors que des pans entiers de l’économie locale sont menacés de ruine, n’étant pas « compétitifs » vis-à-vis des produits venant du Nord, la Tunisie attire en même temps des investissements dans des secteurs « de niche ». Des centres d’appel, où des jeunes (souvent bardé/e/s de diplômes) sont employés à des salaires ridicules pour effectuer une activité monotone et stressante, ou certains fournisseurs de l’industrie automobile s’établissent en Tunisie mais sont tournés vers le marché européen. S’y ajoute le tourisme, dont l’économie du pays reste largement tributaire.
Pour les régions plus « périphériques » du pays, systématiquement négligées par le pouvoir central, il n’y a même pas ces miettes. C’est ce que rappelle, depuis des longs mois, la révolte des populations du bassin minier de Gafsa (au sud-ouest de la Tunisie). Alors que le chômage dans cette région, dont la seule richesse réside dans les mines de phosphate – mais alors que ces dernières n’embauchent quasiment plus, du fait de leur mécanisation -, est endémique et dépasse les 30 %, le népotisme et la corruption dans l’attribution des rares emplois avaient mis le feu au poudre. Conduit par des jeunes chômeurs (dont de nombreux diplômés du supérieur), par les familles des mineurs et des syndicalistes opposants à la ligne officielle de la confédération syndicale UGTT, le mouvement de protestation a fait boule de neige. Il dure depuis début janvier et fait face à une répression de plus en plus sauvage. Début juin, on compte déjà au moins deux morts, un jeune chômeur électrocuté lors d’une occupation (le groupe électrogène occupé par des protestataires ayant été remis sous tension) et un autre tué par les balles de la police. Le mouvement international de solidarité se doit d’être à la hauteur des enjeux.

Bertold de Yon