Après trois mois delutte, la population kabyle attend une perspective politique.Le point sur la situation en Algérie avec Salhi Chawki,dirigeant du Parti socialiste des travailleurs (PST).
- Le mouvement est-il arrivéà un tournant de son organisation?
Salhi Chawki - La Kabyliereste mobilisée, comme on a pu le constater lors de lamarche du 19 juillet à Bouira contre la répression,qui continue dans cette wilaya. Une action est envisagéele 8 août pour protester contre le Festival internationalde la jeunesse, qui compte festoyer pendant qu'on assassine lajeunesse algérienne. Mais il y a une sorte de pause enattendant la rentrée. Pourtant, la radicalité dela jeunesse algérienne demeure impressionnante. La pressebourgeoise annonce des émeutes tous les jours, des occupationsde logements vides, des révoltes contre la pénuried'eau ou le chômage. Mais les jeunes sont en attente d'uneperspective. Le fonctionnement en coordination de déléguéstournants, qui convient parfaitement à la gestion d'unmouvement en effervescence, se révèle inefficacepour coordonner dans la durée l'immensité de larévolte kabyle et sa complexité. Au départ,le refus d'élire le collectif qui dirige le mouvement permettaitde dépasser les méfiances politiques rendues légitimespar la corruption rapide des élus du Front des forces socialistes(FFS) et du Rassemblement pour la culture et la démocratie(RCD). En juin, c'est une campagne sournoise contre la présencedes syndicats, en fait contre le PST, menée par l'ensembledes courants de droite relayée en juillet par l'ahurissanteoffensive médiatique antitrotskyste orchestrée parla présidence.
- Les différentesformes d'organisation influencent-elles les décisions politiques?
S. Chawki - Les coordinationsde village par aârch dans la wilaya de Tizi Ouzou sont parnature perméables au retour des notables locaux corrompus,liés ou non au FFS, au RCD ou aux associations de la présidence.Le comité populaire de la wilaya de Béjaia se construit,lui, autour des syndicats qui en sont membres de droit et il intègredes représentantes des associations féminines. ASétif, à Bouira et ailleurs, les comitésde village et de quartiers ont du mal, à mesure que s'éloignela radicalité des combats de rue, à endiguer leretour de notables (FFS, RCD). Les comités de quartiersde Tizi Ouzou-ville et même de Béjaia-ville connaissentla même problématique. Quand le critère del'engagement politique et physique contre la répressionn'est plus là, le quartier, le village multiclassistesretrouvent les hiérarchies sociales. C'est pourquoi ilétait urgent de cristalliser dans une structure préciseles rapports de forces imposés par les couches les pluspauvres de la population, c'est pourquoi l'existence des plates-formesles plus radicales est si précieuse pour l'identitésociale radicale du mouvement.
- Il semble qu'il y aitune vraie coalition contre le mouvement...
S. Chawki - Le silencede la presse sur la réalité de gauche du mouvementa beaucoup nui. La presse internationale a mis plusieurs semainesavant de s'avouer que le FFS était mis dehors. La pressed'Alger a privilégié les initiatives du RCD avantde faire la promotion de la coordination des aârouch quine s'était alors même pas imposée àTizi Ouzou. La moindre de leur déclaration fait l'objetd'un battage considérable pendant que les comitésorganisateurs de la mobilisation ne disposent que de moyens dérisoiresde communication. Certains titres arabophones comme "Echourouk"avaient dès le départ imputé l'encadrementdu mouvement à des dirigeants du PST nommément cités.Il n'est pas surprenant que des islamistes à la présidencedu FFS, au RCD et au MDS, des notables locaux aux services desécurité, tous se soient ligués contre unmouvement qui affiche une telle radicalité sociale, unetelle intransigeance démocratique.
- Peux-tu nous tracer quelquesaxes du plan de sortie de crise du PST?
S. Chawki - Notre partiappelle à changer d'ordre social, et nous allons bientôtpublier un manifeste. Certes nous prenons position contre le projetlibéral fauteur de misère et appelons au départde Bouteflika, de son gouvernement et des chefs de l'armée,mais nous ne serons pas satisfaits par les replâtrages.L'heure est à bâtir une alternative politique représentativedes intérêts de la jeunesse et des masses laborieuses.Nous insistons sur la construction du mouvement populaire.
Propos recueillispar Sami Zakaria
Rouge 26/07/01
- Le mouvement est-il arrivéà un tournant de son organisation?
Salhi Chawki - La Kabyliereste mobilisée, comme on a pu le constater lors de lamarche du 19 juillet à Bouira contre la répression,qui continue dans cette wilaya. Une action est envisagéele 8 août pour protester contre le Festival internationalde la jeunesse, qui compte festoyer pendant qu'on assassine lajeunesse algérienne. Mais il y a une sorte de pause enattendant la rentrée. Pourtant, la radicalité dela jeunesse algérienne demeure impressionnante. La pressebourgeoise annonce des émeutes tous les jours, des occupationsde logements vides, des révoltes contre la pénuried'eau ou le chômage. Mais les jeunes sont en attente d'uneperspective. Le fonctionnement en coordination de déléguéstournants, qui convient parfaitement à la gestion d'unmouvement en effervescence, se révèle inefficacepour coordonner dans la durée l'immensité de larévolte kabyle et sa complexité. Au départ,le refus d'élire le collectif qui dirige le mouvement permettaitde dépasser les méfiances politiques rendues légitimespar la corruption rapide des élus du Front des forces socialistes(FFS) et du Rassemblement pour la culture et la démocratie(RCD). En juin, c'est une campagne sournoise contre la présencedes syndicats, en fait contre le PST, menée par l'ensembledes courants de droite relayée en juillet par l'ahurissanteoffensive médiatique antitrotskyste orchestrée parla présidence.
- Les différentesformes d'organisation influencent-elles les décisions politiques?
S. Chawki - Les coordinationsde village par aârch dans la wilaya de Tizi Ouzou sont parnature perméables au retour des notables locaux corrompus,liés ou non au FFS, au RCD ou aux associations de la présidence.Le comité populaire de la wilaya de Béjaia se construit,lui, autour des syndicats qui en sont membres de droit et il intègredes représentantes des associations féminines. ASétif, à Bouira et ailleurs, les comitésde village et de quartiers ont du mal, à mesure que s'éloignela radicalité des combats de rue, à endiguer leretour de notables (FFS, RCD). Les comités de quartiersde Tizi Ouzou-ville et même de Béjaia-ville connaissentla même problématique. Quand le critère del'engagement politique et physique contre la répressionn'est plus là, le quartier, le village multiclassistesretrouvent les hiérarchies sociales. C'est pourquoi ilétait urgent de cristalliser dans une structure préciseles rapports de forces imposés par les couches les pluspauvres de la population, c'est pourquoi l'existence des plates-formesles plus radicales est si précieuse pour l'identitésociale radicale du mouvement.
- Il semble qu'il y aitune vraie coalition contre le mouvement...
S. Chawki - Le silencede la presse sur la réalité de gauche du mouvementa beaucoup nui. La presse internationale a mis plusieurs semainesavant de s'avouer que le FFS était mis dehors. La pressed'Alger a privilégié les initiatives du RCD avantde faire la promotion de la coordination des aârouch quine s'était alors même pas imposée àTizi Ouzou. La moindre de leur déclaration fait l'objetd'un battage considérable pendant que les comitésorganisateurs de la mobilisation ne disposent que de moyens dérisoiresde communication. Certains titres arabophones comme "Echourouk"avaient dès le départ imputé l'encadrementdu mouvement à des dirigeants du PST nommément cités.Il n'est pas surprenant que des islamistes à la présidencedu FFS, au RCD et au MDS, des notables locaux aux services desécurité, tous se soient ligués contre unmouvement qui affiche une telle radicalité sociale, unetelle intransigeance démocratique.
- Peux-tu nous tracer quelquesaxes du plan de sortie de crise du PST?
S. Chawki - Notre partiappelle à changer d'ordre social, et nous allons bientôtpublier un manifeste. Certes nous prenons position contre le projetlibéral fauteur de misère et appelons au départde Bouteflika, de son gouvernement et des chefs de l'armée,mais nous ne serons pas satisfaits par les replâtrages.L'heure est à bâtir une alternative politique représentativedes intérêts de la jeunesse et des masses laborieuses.Nous insistons sur la construction du mouvement populaire.
Propos recueillispar Sami Zakaria
Rouge 26/07/01