Le 2 février avait lieu le procès d'Hamma Hammami, opposant au régime tunisien. La violence étatique a confirmé, si besoin était, que la Tunisie est loin d'être une démocratie.
Après quatre années passées dans la clandestinité suite à un jugement par contumace le condamnant à neuf ans de prison, Hamma Hammami a souhaité se montrer au grand jour, dans un but politique: interpeller les opinions publiques nationale et internationale. Il a eu droit à un procès. Membre fondateur du Parti communiste des ouvriers tunisiens -organisation interdite-, il n'a jamais cessé, depuis trente ans, de lutter pour la démocratie, de dénoncer la condition de la classe ouvrière et des femmes. Poursuivi pour incitation à la rébellion, il a connu la plupart des prisons tunisiennes.
Tribunal de Tunis, samedi 2 février. Il est 11 h 30 environ. Hammami et sa famille sont accompagnés de délégations regroupant des militants associatifs et politiques de plusieurs pays. La délégation française compte en son sein des militants d'associations de solidarité avec la Tunisie, ainsi que des membres de la LCR et du PCF. Nous sommes tous rassemblés dans une petite pièce où se tient une conférence de presse. La crainte qu'Hamma soit kidnappé par la police de Ben Ali avant son procès est dissipée, les visages s'éclairent, tout se passe presque trop bien. En effet, la veille, après que le Parti démocratique et progressiste -parti d'opposition qui soutient Hammami- a tenu sa première réunion autorisée, ses militants ont tenté de gagner le domicile de l'un de leurs camarades. Des policiers en bloquaient l'accès. Jetée à terre, maître Nasraoui, l'épouse d'Hamma, était violemment battue alors que d'autres hommes de Ben Ali frappaient sa fille Nadia. Les bandes vidéo des journalistes leur ont été arrachées. Impossible de passer.
Nous sommes donc surpris qu'Hamma ait eu accès au palais de justice sans intervention policière. Après la conférence de presse, nous gagnons la salle d'audience où doit se tenir le procès. Celle-ci est remplie de militants d'opposition, de policiers en tenue et d'indics en civil. Espérant vider la salle, les autorités tunisiennes retardent le début de l'audience, initialement fixée à midi. Mais rien n'y fait, nous sommes tous décidés à y assister. Il est environ 14 heures quand le coup de théâtre survient: des policiers entrent, saisissent brusquement Hamma et le traînent hors de la salle d'audience. Après un moment de panique où pleurs et cris se mêlent, les militants se dressent sur les bancs du tribunal, entonnent l'hymne tunisien, puis "L'Internationale". Des policiers débarquent de toutes parts, et les issues du tribunal sont verrouillées. Personne ne sait où est Hamma. Une heure s'est écoulée quand l'assistance, abasourdie, apprend qu'une nouvelle audience est annoncée. La situation est chaotique. Hamma est ramené dans la salle; il déclare avoir été frappé par les policiers après son enlèvement. Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, le juge le fait taire et le condamne arbitrairement à la peine de neuf ans de prison qui le menaçait. A la sortie du tribunal, militants et journalistes seront frappés sous nos yeux. Rien n'a changé: la liberté d'opinion, d'expression et d'information n'existe pas en Tunisie.
Lorsque le bus qui emmène la délégation française à l'aéroport s'éloigne, c'est le poing levé que Radia Nasraoui nous salue: "La lutte continue!"
Renaud Orlans
Après quatre années passées dans la clandestinité suite à un jugement par contumace le condamnant à neuf ans de prison, Hamma Hammami a souhaité se montrer au grand jour, dans un but politique: interpeller les opinions publiques nationale et internationale. Il a eu droit à un procès. Membre fondateur du Parti communiste des ouvriers tunisiens -organisation interdite-, il n'a jamais cessé, depuis trente ans, de lutter pour la démocratie, de dénoncer la condition de la classe ouvrière et des femmes. Poursuivi pour incitation à la rébellion, il a connu la plupart des prisons tunisiennes.
Tribunal de Tunis, samedi 2 février. Il est 11 h 30 environ. Hammami et sa famille sont accompagnés de délégations regroupant des militants associatifs et politiques de plusieurs pays. La délégation française compte en son sein des militants d'associations de solidarité avec la Tunisie, ainsi que des membres de la LCR et du PCF. Nous sommes tous rassemblés dans une petite pièce où se tient une conférence de presse. La crainte qu'Hamma soit kidnappé par la police de Ben Ali avant son procès est dissipée, les visages s'éclairent, tout se passe presque trop bien. En effet, la veille, après que le Parti démocratique et progressiste -parti d'opposition qui soutient Hammami- a tenu sa première réunion autorisée, ses militants ont tenté de gagner le domicile de l'un de leurs camarades. Des policiers en bloquaient l'accès. Jetée à terre, maître Nasraoui, l'épouse d'Hamma, était violemment battue alors que d'autres hommes de Ben Ali frappaient sa fille Nadia. Les bandes vidéo des journalistes leur ont été arrachées. Impossible de passer.
Nous sommes donc surpris qu'Hamma ait eu accès au palais de justice sans intervention policière. Après la conférence de presse, nous gagnons la salle d'audience où doit se tenir le procès. Celle-ci est remplie de militants d'opposition, de policiers en tenue et d'indics en civil. Espérant vider la salle, les autorités tunisiennes retardent le début de l'audience, initialement fixée à midi. Mais rien n'y fait, nous sommes tous décidés à y assister. Il est environ 14 heures quand le coup de théâtre survient: des policiers entrent, saisissent brusquement Hamma et le traînent hors de la salle d'audience. Après un moment de panique où pleurs et cris se mêlent, les militants se dressent sur les bancs du tribunal, entonnent l'hymne tunisien, puis "L'Internationale". Des policiers débarquent de toutes parts, et les issues du tribunal sont verrouillées. Personne ne sait où est Hamma. Une heure s'est écoulée quand l'assistance, abasourdie, apprend qu'une nouvelle audience est annoncée. La situation est chaotique. Hamma est ramené dans la salle; il déclare avoir été frappé par les policiers après son enlèvement. Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, le juge le fait taire et le condamne arbitrairement à la peine de neuf ans de prison qui le menaçait. A la sortie du tribunal, militants et journalistes seront frappés sous nos yeux. Rien n'a changé: la liberté d'opinion, d'expression et d'information n'existe pas en Tunisie.
Lorsque le bus qui emmène la délégation française à l'aéroport s'éloigne, c'est le poing levé que Radia Nasraoui nous salue: "La lutte continue!"
Renaud Orlans