En France, les femmes immigrées sont les grandes oubliées des campagnes électorales. Elles sont pourtant les premières victimes du désordre mondial provoqué par les pays impérialistes et par les lois xénophobes.
Plus d'un million de femmes immigrées sont installées sur le territoire français et représentent 48% de la population immigrée française. La plupart d'entre elles arrivent en France dans le cadre du regroupement familial: des mères de familles venues rejoindre leur mari, des jeunes femmes venues rejoindre leurs parents. De plus en plus nombreuses sont celles qui viennent seules pour échapper aux pressions ou répressions d'ordre familial, économique, sexuel ou sexiste. Ce sont des femmes menacées de mort pour des raisons religieuses, notamment en Algérie. Ce sont des mères célibataires provenant de pays où cet état civil n'est pas reconnu. Ce qui entraîne une marginalisation sociale certaine. Ce sont des femmes ayant subi des violences sexuelles: viol, inceste, mariage forcé auquel elles tiennent à échapper ou risque d'excision dans leur pays pour elles ou pour leurs filles. Ce sont des réfugiées veuves, divorcées ou mères célibataires originaires des pays en guerre ou en conflit; ce sont des anciennes prostituées à la recherche d'une nouvelle vie...
L'Europe forteresse
L'espoir de trouver une vie décente les pousse à demander l'asile politique dans les pays d'Europe. Mais elles se trouvent confrontées au mur de l'Europe forteresse, celle des accords de Schengen. Car les persécutions d'ordre sexiste ou sexuelle ne sont pas reconnues comme politiques par les Etats signataires des différentes conventions des droits de l'Homme. Il faut aujourd'hui se battre pour le respect du droit d'asile et pour la reconnaissance de ce droit pour les femmes persécutées pour sexisme ou pour des raisons sexuelles.
L'Union européenne a fait de la fermeture des frontières l'une des bases de sa construction au nom de la lutte contre le terrorisme et contre le trafic des êtres humains... livrant ainsi des milliers de femmes sans papiers, et donc sans droits, au patronat comme aux proxénètes. Plus que jamais la lutte pour l'ouverture des frontières est à l'ordre du jour.
La politique européenne de restriction des flux migratoires répond aux besoins de l'économie capitaliste. Elle s'appuie sur trois piliers. La constitution d'une armée de réserve disponible et docile d'abord: des fichiers à échelle planétaire sont constitués - le système d'immigration de Schengen (SIS) en est un exemple - et ceux et celles qui ne remplissent pas les critères définis constitueront une main-d'oeuvre à bon marché, sujettes à la précarité et à la marginalisation. Nombreuses sont les femmes immigrées qui subissent cette situation, victimes, en outre, de harcèlements physiques et verbaux.
La sélection de la population immigrée ensuite, à travers la normalisation occidentale des moeurs: la priorité de traitement des dossiers est donnée aux femmes mariées, aux mères de famille... c'est-à-dire aux femmes dont le statut ne dépend que de leur mari. Les femmes de polygames, les divorcées, séparées ou "répudiées" sont souvent pénalisées et les célibataires sont difficilement régularisées.
La contrainte de l'intégration enfin: en France, l'intégration "républicaine" est une notion inventée pour justifier les raisons pour lesquelles les étrangers accèdent ou restent sur le territoire. L'attitude et les dispositions des institutions des Etats de l'Europe concernant l'intégration vont dans le sens d'une obligation d'assimilation, c'est-à-dire du rejet de tout ce qui se différencie de la société d'accueil. Pour les femmes immigrées, cette situation atteint des proportions dramatiques.
Les deux derniers piliers sont les plus "sensibles" car ils touchent à des valeurs qui imprègnent de larges couches de la population, y compris dans les milieux de gauche et féministes, en générant la confusion entre les causes des comportements des femmes immigrées, leurs motivations, leurs souhaits et les principes souvent abstraits de la société capitaliste.
En tout état de cause, les mesures d'intégration que proposent les pays occidentaux aux femmes immigrées consistent à formater leurs mentalités, leurs coutumes, leurs aspects, en leur imposant une façon de vivre calquée sur le modèle occidental, en effaçant les spécificités propres à leur culture, à leur façon de penser. Avant de chercher à comprendre, à expliquer ou à les accepter, les institutions légifèrent et pénalisent ces femmes dès qu'elles sortent du moule.
Exclues pour cause d'intégration
Les modalités de l'interdiction de la polygamie -stade suprême de la domination patriarcale- aboutissent à une oppression plus forte des femmes de polygames car, depuis la loi Reseda, une seule des femmes de chaque polygame peut être régularisée. Les autres restent donc sans droit et donc davantage soumises à leur mari. C'est la logique de la reconnaissance des droits en fonction de l'Etat civil de l'individu qui est privilégiée au lieu de la reconnaissance des droits en fonction de la personne.
La question polémique du port du voile à l'école pose aussi cette question de l'intégration. Certaines jeunes filles, ne trouvant que cette façon de se protéger contre les insultes ou les gestes machistes de tout ordre, couvrent leur tête avec le voile. D'autres l'utilisent comme façon de résister au "lavage de cerveau", comme forme de contestation aux pressions de l'image d'occidentale que la société leur impose. D'autres encore par obéissance aux parents ou par conviction religieuse. Néanmoins, les réactions de certains représentants des institutions à ces faits sont inacceptables. L'exclusion n'est pas une solution: elle renvoie ces jeunes femmes sous la dépendance accrue de leur famille qui s'empressera de les inscrire dans des écoles coraniques. Personne ne s'est étonné ou inquiété quand les élèves portaient le foulard jusqu'au début des années 1980. En 1989, un proviseur d'extrême droite refuse la scolarisation de deux lycéennes. Le débat est lancé et divise y compris la gauche. En janvier 1999, la Ligue des droits de l'Homme affirme dans un communiqué que "la défense de la laïcité ne doit pas devenir un prétexte aux exclusions". En février 2000, le Mouvement des citoyens (MDC) dépose une proposition de loi visant à "garantir le respect du principe de laïcité au sein de l'école publique" et prônant l'interdiction des "signes ostentatoires", comme le foulard islamique...
Les femmes immigrées subissent non seulement les pressions familiales, mais doivent aussi affronter la négation de leur vie, de leurs habitudes, de leurs cultures... et les prises de position radicales d'une société très différente de la leur. Elles sont contraintes à "choisir" entre vivre les pressions de deux cultures, opter pour l'une d'entre elles et renier l'autre, essayer de concilier les deux à leurs risques et périls... Ces choix sont tous douloureux.
Sur ce terrain, l'égalité des droits entre femmes est le seul mot d'ordre qui peut exprimer la solidarité avec les femmes du monde entier.
Sandra Whita
Plus d'un million de femmes immigrées sont installées sur le territoire français et représentent 48% de la population immigrée française. La plupart d'entre elles arrivent en France dans le cadre du regroupement familial: des mères de familles venues rejoindre leur mari, des jeunes femmes venues rejoindre leurs parents. De plus en plus nombreuses sont celles qui viennent seules pour échapper aux pressions ou répressions d'ordre familial, économique, sexuel ou sexiste. Ce sont des femmes menacées de mort pour des raisons religieuses, notamment en Algérie. Ce sont des mères célibataires provenant de pays où cet état civil n'est pas reconnu. Ce qui entraîne une marginalisation sociale certaine. Ce sont des femmes ayant subi des violences sexuelles: viol, inceste, mariage forcé auquel elles tiennent à échapper ou risque d'excision dans leur pays pour elles ou pour leurs filles. Ce sont des réfugiées veuves, divorcées ou mères célibataires originaires des pays en guerre ou en conflit; ce sont des anciennes prostituées à la recherche d'une nouvelle vie...
L'Europe forteresse
L'espoir de trouver une vie décente les pousse à demander l'asile politique dans les pays d'Europe. Mais elles se trouvent confrontées au mur de l'Europe forteresse, celle des accords de Schengen. Car les persécutions d'ordre sexiste ou sexuelle ne sont pas reconnues comme politiques par les Etats signataires des différentes conventions des droits de l'Homme. Il faut aujourd'hui se battre pour le respect du droit d'asile et pour la reconnaissance de ce droit pour les femmes persécutées pour sexisme ou pour des raisons sexuelles.
L'Union européenne a fait de la fermeture des frontières l'une des bases de sa construction au nom de la lutte contre le terrorisme et contre le trafic des êtres humains... livrant ainsi des milliers de femmes sans papiers, et donc sans droits, au patronat comme aux proxénètes. Plus que jamais la lutte pour l'ouverture des frontières est à l'ordre du jour.
La politique européenne de restriction des flux migratoires répond aux besoins de l'économie capitaliste. Elle s'appuie sur trois piliers. La constitution d'une armée de réserve disponible et docile d'abord: des fichiers à échelle planétaire sont constitués - le système d'immigration de Schengen (SIS) en est un exemple - et ceux et celles qui ne remplissent pas les critères définis constitueront une main-d'oeuvre à bon marché, sujettes à la précarité et à la marginalisation. Nombreuses sont les femmes immigrées qui subissent cette situation, victimes, en outre, de harcèlements physiques et verbaux.
La sélection de la population immigrée ensuite, à travers la normalisation occidentale des moeurs: la priorité de traitement des dossiers est donnée aux femmes mariées, aux mères de famille... c'est-à-dire aux femmes dont le statut ne dépend que de leur mari. Les femmes de polygames, les divorcées, séparées ou "répudiées" sont souvent pénalisées et les célibataires sont difficilement régularisées.
La contrainte de l'intégration enfin: en France, l'intégration "républicaine" est une notion inventée pour justifier les raisons pour lesquelles les étrangers accèdent ou restent sur le territoire. L'attitude et les dispositions des institutions des Etats de l'Europe concernant l'intégration vont dans le sens d'une obligation d'assimilation, c'est-à-dire du rejet de tout ce qui se différencie de la société d'accueil. Pour les femmes immigrées, cette situation atteint des proportions dramatiques.
Les deux derniers piliers sont les plus "sensibles" car ils touchent à des valeurs qui imprègnent de larges couches de la population, y compris dans les milieux de gauche et féministes, en générant la confusion entre les causes des comportements des femmes immigrées, leurs motivations, leurs souhaits et les principes souvent abstraits de la société capitaliste.
En tout état de cause, les mesures d'intégration que proposent les pays occidentaux aux femmes immigrées consistent à formater leurs mentalités, leurs coutumes, leurs aspects, en leur imposant une façon de vivre calquée sur le modèle occidental, en effaçant les spécificités propres à leur culture, à leur façon de penser. Avant de chercher à comprendre, à expliquer ou à les accepter, les institutions légifèrent et pénalisent ces femmes dès qu'elles sortent du moule.
Exclues pour cause d'intégration
Les modalités de l'interdiction de la polygamie -stade suprême de la domination patriarcale- aboutissent à une oppression plus forte des femmes de polygames car, depuis la loi Reseda, une seule des femmes de chaque polygame peut être régularisée. Les autres restent donc sans droit et donc davantage soumises à leur mari. C'est la logique de la reconnaissance des droits en fonction de l'Etat civil de l'individu qui est privilégiée au lieu de la reconnaissance des droits en fonction de la personne.
La question polémique du port du voile à l'école pose aussi cette question de l'intégration. Certaines jeunes filles, ne trouvant que cette façon de se protéger contre les insultes ou les gestes machistes de tout ordre, couvrent leur tête avec le voile. D'autres l'utilisent comme façon de résister au "lavage de cerveau", comme forme de contestation aux pressions de l'image d'occidentale que la société leur impose. D'autres encore par obéissance aux parents ou par conviction religieuse. Néanmoins, les réactions de certains représentants des institutions à ces faits sont inacceptables. L'exclusion n'est pas une solution: elle renvoie ces jeunes femmes sous la dépendance accrue de leur famille qui s'empressera de les inscrire dans des écoles coraniques. Personne ne s'est étonné ou inquiété quand les élèves portaient le foulard jusqu'au début des années 1980. En 1989, un proviseur d'extrême droite refuse la scolarisation de deux lycéennes. Le débat est lancé et divise y compris la gauche. En janvier 1999, la Ligue des droits de l'Homme affirme dans un communiqué que "la défense de la laïcité ne doit pas devenir un prétexte aux exclusions". En février 2000, le Mouvement des citoyens (MDC) dépose une proposition de loi visant à "garantir le respect du principe de laïcité au sein de l'école publique" et prônant l'interdiction des "signes ostentatoires", comme le foulard islamique...
Les femmes immigrées subissent non seulement les pressions familiales, mais doivent aussi affronter la négation de leur vie, de leurs habitudes, de leurs cultures... et les prises de position radicales d'une société très différente de la leur. Elles sont contraintes à "choisir" entre vivre les pressions de deux cultures, opter pour l'une d'entre elles et renier l'autre, essayer de concilier les deux à leurs risques et périls... Ces choix sont tous douloureux.
Sur ce terrain, l'égalité des droits entre femmes est le seul mot d'ordre qui peut exprimer la solidarité avec les femmes du monde entier.
Sandra Whita