Redouane Osmane est le secrétaire général du Conseil des lycées d'Alger (CLA). Dans "Rouge" du 10 septembre, il faisait un bilan d'étape du mouvement en cours dans l'Education. Depuis, face à la répression, la lutte se radicalise.
- Que s'est-il passé dans le mouvement de l'Education depuis la rentrée ?
Redouane Osmane - La dernière grève s'est déroulée les 27, 28 et 29 septembre, lors de la rentrée officielle des élèves du secondaire. Nous avons décidé de la bloquer pour dire que nous reprenions la grève que nous avions arrêtée le jour du tremblement de terre, le 21 mai dernier. Depuis, de plus en plus de wilayas ont rejoint le mouvement. La dernière grève est en cours depuis le 5 octobre. Elle est reconductible chaque semaine.
Aujourd'hui, le mouvement se durcit, la répression aussi. Il y a eu plus de 300 enseignants suspendus et des poursuites judiciaires dans l'ensemble des wilayas qui se sont mises en grève. Certaines plaintes n'ont pas abouti parce que plusieurs tribunaux ont déclaré leur incompétence. Dans quelques villes, un chantage abject a cours : soit les enseignants rejoignent leur poste de travail, soit ils doivent payer de très fortes amendes.
Les gens sont harcelés dans le but de transformer une affaire de revendications en une affaire de défense contre la répression. Mais le principal rôle des suspensions est l'intimidation. A chaque fois que les délégués sont renouvelés, les nouveaux sont suspendus pour grève illégale, incitation à la grève illégale, insubordination, etc. Le chef du gouvernement, par ses déclarations publiques, a montré sa solidarité avec son ministre. Et nous, nous avons déclaré que nous avions des droits consacrés par notre Constitution et par les conventions internationales : l'exercice du droit syndical, la négociation collective, la retraite, le recours à la grève.
Il y a une loi qui date des grèves d'octobre 1988. Il y avait quelque 3 200 grèves à ce moment. Et elles n'étaient pas animées par la centrale syndicale UGTA, mais à la base par des collectifs de travailleurs. A ce moment-là est sortie la loi 90-02, qui permet à des collectifs de travailleurs sans casquette syndicale de porter leurs revendications et le droit de grève. Il y a aussi la loi 90-14 qui régit la représentation syndicale. Elle dit qu'il faut un dépôt de dossier pour se former en tant qu'organisation, ce que nous avons fait.
Mais naturellement l'interprétation des lois est toujours faite selon les rapports de forces. Il y a une arrière-pensée dans la campagne du gouvernement pour dire qu'il y a une organisation traditionnelle, l'UGTA, et qu'elle est la seule interlocutrice, même si elle n'a pas de représentativité sur le terrain dans notre secteur.
- Peux-tu rappeler quelles sont les trois revendications du mouvement ?
R. Osmane - L'une concerne le salaire. Nous touchons 10 000 dinars (environ 150 euros) de salaire de base. Nous voulons une augmentation de 100 %.
La deuxième concerne le statut particulier que les fonctionnaires n'ont pas en Algérie. Donc la flexibilité de l'emploi est de rigueur, on recrute des contractuels et pas de titulaires. Et tout cela touche l'acte pédagogique en lui-même. Nous voulons qu'on identifie nos missions, nos garanties statutaires, nos droits.
La troisième revendication est celle de la baisse de l'âge de la retraite. On considère qu'on fait un métier pénible et stressant, notamment en Algérie.
- Quelles sont les perspectives d'actions ?
R. Osmane - La société civile, qui est embryonnaire en Algérie, a commencé à bouger. Une pétition nationale circule. Des parents se sont présentés aux permanences des organisations syndicales pour soutenir les enseignants, des avocats nous soutiennent... On a constitué un Comité pour la défense des libertés syndicales, qui organise un rassemblement pour le jeudi 23. On compte organiser une journée contre la répression et pour les libertés syndicales.
Nous comptons reconduire la grève, parce que nous considérons que durant ces deux semaines, il y a quelqu'un qui doit abdiquer. Soit c'est eux qui abdiquent en ce qui concerne au moins la levée des sanctions, celles des suspensions et l'ouverture des négociations, soit c'est nous qui cédons et à ce moment-là le recul sera très fort.
Propos recueillis par Charlotte Daix
Rouge 23/10/2003
- Que s'est-il passé dans le mouvement de l'Education depuis la rentrée ?
Redouane Osmane - La dernière grève s'est déroulée les 27, 28 et 29 septembre, lors de la rentrée officielle des élèves du secondaire. Nous avons décidé de la bloquer pour dire que nous reprenions la grève que nous avions arrêtée le jour du tremblement de terre, le 21 mai dernier. Depuis, de plus en plus de wilayas ont rejoint le mouvement. La dernière grève est en cours depuis le 5 octobre. Elle est reconductible chaque semaine.
Aujourd'hui, le mouvement se durcit, la répression aussi. Il y a eu plus de 300 enseignants suspendus et des poursuites judiciaires dans l'ensemble des wilayas qui se sont mises en grève. Certaines plaintes n'ont pas abouti parce que plusieurs tribunaux ont déclaré leur incompétence. Dans quelques villes, un chantage abject a cours : soit les enseignants rejoignent leur poste de travail, soit ils doivent payer de très fortes amendes.
Les gens sont harcelés dans le but de transformer une affaire de revendications en une affaire de défense contre la répression. Mais le principal rôle des suspensions est l'intimidation. A chaque fois que les délégués sont renouvelés, les nouveaux sont suspendus pour grève illégale, incitation à la grève illégale, insubordination, etc. Le chef du gouvernement, par ses déclarations publiques, a montré sa solidarité avec son ministre. Et nous, nous avons déclaré que nous avions des droits consacrés par notre Constitution et par les conventions internationales : l'exercice du droit syndical, la négociation collective, la retraite, le recours à la grève.
Il y a une loi qui date des grèves d'octobre 1988. Il y avait quelque 3 200 grèves à ce moment. Et elles n'étaient pas animées par la centrale syndicale UGTA, mais à la base par des collectifs de travailleurs. A ce moment-là est sortie la loi 90-02, qui permet à des collectifs de travailleurs sans casquette syndicale de porter leurs revendications et le droit de grève. Il y a aussi la loi 90-14 qui régit la représentation syndicale. Elle dit qu'il faut un dépôt de dossier pour se former en tant qu'organisation, ce que nous avons fait.
Mais naturellement l'interprétation des lois est toujours faite selon les rapports de forces. Il y a une arrière-pensée dans la campagne du gouvernement pour dire qu'il y a une organisation traditionnelle, l'UGTA, et qu'elle est la seule interlocutrice, même si elle n'a pas de représentativité sur le terrain dans notre secteur.
- Peux-tu rappeler quelles sont les trois revendications du mouvement ?
R. Osmane - L'une concerne le salaire. Nous touchons 10 000 dinars (environ 150 euros) de salaire de base. Nous voulons une augmentation de 100 %.
La deuxième concerne le statut particulier que les fonctionnaires n'ont pas en Algérie. Donc la flexibilité de l'emploi est de rigueur, on recrute des contractuels et pas de titulaires. Et tout cela touche l'acte pédagogique en lui-même. Nous voulons qu'on identifie nos missions, nos garanties statutaires, nos droits.
La troisième revendication est celle de la baisse de l'âge de la retraite. On considère qu'on fait un métier pénible et stressant, notamment en Algérie.
- Quelles sont les perspectives d'actions ?
R. Osmane - La société civile, qui est embryonnaire en Algérie, a commencé à bouger. Une pétition nationale circule. Des parents se sont présentés aux permanences des organisations syndicales pour soutenir les enseignants, des avocats nous soutiennent... On a constitué un Comité pour la défense des libertés syndicales, qui organise un rassemblement pour le jeudi 23. On compte organiser une journée contre la répression et pour les libertés syndicales.
Nous comptons reconduire la grève, parce que nous considérons que durant ces deux semaines, il y a quelqu'un qui doit abdiquer. Soit c'est eux qui abdiquent en ce qui concerne au moins la levée des sanctions, celles des suspensions et l'ouverture des négociations, soit c'est nous qui cédons et à ce moment-là le recul sera très fort.
Propos recueillis par Charlotte Daix
Rouge 23/10/2003