Le projet de loi de réforme du code de la famille devrait être présenté à l’Assemblée algérienne courant novembre. Les amendements ne répondent d’ores et déjà aucunement aux revendications du mouvement féministe.
Bouteflika a prévenu : hors de question de s’écarter de la charia. En résulte un ensemble consacrant, pour chaque avancée, l’intangibilité du reste. Certains amendements mettraient fin, il est vrai, à des situations dramatiques. En cas de divorce, le domicile conjugal reviendrait à la mère si elle a la garde des enfants (ce qui est quasiment toujours le cas) et ce, tant que le mari ne sera pas en mesure de lui en fournir un nouveau. de nombreux SDF sont des mères et leurs enfants, jetés à la rue par leur mari. L’obligation d’un tuteur masculin autorisant le mariage d’une fille serait supprimée et l’âge légal minimum ramené à 19 ans. La loi consacrerait l’égalité des droits et obligations entre conjoints tout en renforçant le pouvoir judiciaire en matière de droit de garde, de logement et de pensions alimentaires. Mais si l’étau se desserre, le pouvoir se refuse d’aller plus loin et de bousculer le dogme religieux : ainsi la polygamie, même soumise à l’autorisation d’un magistrat, n’est pas abolie, alors même qu’elle ne concerne que 1,5 % des hommes mariés. Argument avancé : le « risque de stérilité de l’épouse » ! Le mariage d’une algérienne avec un non musulman est toujours proscrit. Quant à l’héritage, rien ne change. Rare disposition codifiée par le Coran, l’inégalité de traitement perdure : dans un cas d’ascendance directe, la part d’un homme est fixée au double de celle de sa sœur. La répudiation n’est pas abolie et le droit des femmes au divorce est encadré. Des dispositifs- clés du système patriarcal sont donc maintenus. Sans remettre en cause la structure globale du texte, les amendements visent à combler timidement le fossé qui se creuse entre un texte moyenâgeux et une société en évolution. Les femmes représentent 15 % de la population active, chiffre qui a doublé en vingt ans, et ce processus semble désormais irréversible. Plus de 53 % des femmes ont un niveau scolaire secondaire ou supérieur contre 25 % des hommes. Elles constituent 50 % des effectifs du corps médical et enseignant, et elles sont majoritaires dans d’autres secteurs de la fonction publique. Enfin, dans une société en pleine précarisation, elles investissent le secteur des services ou de l’emploi informel et font vivre des familles entières. Il n’est plus rare que le soutien de famille soit « une », accroissant du même coup leur poids économique dans les familles. Ce mouvement s’accompagne d’une chute brutale de la démographie (le taux d’accroissement naturel est passé à 1,53 % en 2003) et d’un recul de l’âge moyen du mariage à 31 ans. En 2002, 55 % des femmes algériennes étaient célibataires. Mais l’évolution s’accompagne de réactions violentes dans une société machiste, nourrie par les discours haineux de la classe politique et des institutions religieuses. Le résultat se manifeste par une explosion des violences faites aux femmes : violences conjugales et domestiques ou enlèvements, suivis de viols. Les statistiques de la gendarmerie algérienne avancent une hausse de 400 % par rapport à l’année écoulée, et ce pour le seul premier semestre 2004... Un climat délétère encore renforcé par la campagne des partis islamistes contre le projet de réforme - leur réaction ne s’est en effet pas faite attendre - qualifiant le projet de loi de « complot contre le peuple algérien et sa religion répondant aux attentes de femmes masculinisées, incapables de former une famille ». Une « instance de protection de la famille », cherchant à réunir 1,5 millions de signatures a été constituée. Ce qui pourrait objectivement favoriser Bouteflika en le présentant comme un rempart et, du même coup, obliger les autres à soutenir son projet en ravalant leurs revendications « abolitionnistes ». Les partis libéraux de la mouvance « démocrate » se contentent d’ailleurs de saluer des avancées, tout en regrettant du bout des lèvres les limites des amendements. La porte entrouverte pourrait rapidement se refermer et les associations féministes ne s’y sont pas trompées, appelant à la mobilisation pour contrecarrer la campagne islamiste et pour réclamer l’abrogation pure et simple du code de la famille. Le chemin est encore long.
Riad Zekour
Rouge 2004-10-21
Bouteflika a prévenu : hors de question de s’écarter de la charia. En résulte un ensemble consacrant, pour chaque avancée, l’intangibilité du reste. Certains amendements mettraient fin, il est vrai, à des situations dramatiques. En cas de divorce, le domicile conjugal reviendrait à la mère si elle a la garde des enfants (ce qui est quasiment toujours le cas) et ce, tant que le mari ne sera pas en mesure de lui en fournir un nouveau. de nombreux SDF sont des mères et leurs enfants, jetés à la rue par leur mari. L’obligation d’un tuteur masculin autorisant le mariage d’une fille serait supprimée et l’âge légal minimum ramené à 19 ans. La loi consacrerait l’égalité des droits et obligations entre conjoints tout en renforçant le pouvoir judiciaire en matière de droit de garde, de logement et de pensions alimentaires. Mais si l’étau se desserre, le pouvoir se refuse d’aller plus loin et de bousculer le dogme religieux : ainsi la polygamie, même soumise à l’autorisation d’un magistrat, n’est pas abolie, alors même qu’elle ne concerne que 1,5 % des hommes mariés. Argument avancé : le « risque de stérilité de l’épouse » ! Le mariage d’une algérienne avec un non musulman est toujours proscrit. Quant à l’héritage, rien ne change. Rare disposition codifiée par le Coran, l’inégalité de traitement perdure : dans un cas d’ascendance directe, la part d’un homme est fixée au double de celle de sa sœur. La répudiation n’est pas abolie et le droit des femmes au divorce est encadré. Des dispositifs- clés du système patriarcal sont donc maintenus. Sans remettre en cause la structure globale du texte, les amendements visent à combler timidement le fossé qui se creuse entre un texte moyenâgeux et une société en évolution. Les femmes représentent 15 % de la population active, chiffre qui a doublé en vingt ans, et ce processus semble désormais irréversible. Plus de 53 % des femmes ont un niveau scolaire secondaire ou supérieur contre 25 % des hommes. Elles constituent 50 % des effectifs du corps médical et enseignant, et elles sont majoritaires dans d’autres secteurs de la fonction publique. Enfin, dans une société en pleine précarisation, elles investissent le secteur des services ou de l’emploi informel et font vivre des familles entières. Il n’est plus rare que le soutien de famille soit « une », accroissant du même coup leur poids économique dans les familles. Ce mouvement s’accompagne d’une chute brutale de la démographie (le taux d’accroissement naturel est passé à 1,53 % en 2003) et d’un recul de l’âge moyen du mariage à 31 ans. En 2002, 55 % des femmes algériennes étaient célibataires. Mais l’évolution s’accompagne de réactions violentes dans une société machiste, nourrie par les discours haineux de la classe politique et des institutions religieuses. Le résultat se manifeste par une explosion des violences faites aux femmes : violences conjugales et domestiques ou enlèvements, suivis de viols. Les statistiques de la gendarmerie algérienne avancent une hausse de 400 % par rapport à l’année écoulée, et ce pour le seul premier semestre 2004... Un climat délétère encore renforcé par la campagne des partis islamistes contre le projet de réforme - leur réaction ne s’est en effet pas faite attendre - qualifiant le projet de loi de « complot contre le peuple algérien et sa religion répondant aux attentes de femmes masculinisées, incapables de former une famille ». Une « instance de protection de la famille », cherchant à réunir 1,5 millions de signatures a été constituée. Ce qui pourrait objectivement favoriser Bouteflika en le présentant comme un rempart et, du même coup, obliger les autres à soutenir son projet en ravalant leurs revendications « abolitionnistes ». Les partis libéraux de la mouvance « démocrate » se contentent d’ailleurs de saluer des avancées, tout en regrettant du bout des lèvres les limites des amendements. La porte entrouverte pourrait rapidement se refermer et les associations féministes ne s’y sont pas trompées, appelant à la mobilisation pour contrecarrer la campagne islamiste et pour réclamer l’abrogation pure et simple du code de la famille. Le chemin est encore long.
Riad Zekour
Rouge 2004-10-21