Le bilan officiel des inondations du 10 novembre à Alger est de 683 morts, 170 disparus et 1500 familles sans abri. Nous avons interviewé notre camarade Chawki Salhi, porte-parole du Parti socialiste des travailleurs.
- Quelles sont les réactions de la population d'Alger?
Chawki Salhi - La fureur est à son comble! Les visites d'officiels ont systématiquement provoqué des réactions de colère. Bouteflika a attendu trois jours pour oser se montrer et, quand il est arrivé, il s'est fait insulter, jeter des pierres et a provoqué la colère de quelque 200 jeunes qui sont parvenus jusqu'au centre-ville et au palais du gouvernement. Les mots d'ordre témoignaient de la mémoire des révoltes de 1988 et de celle des jeunes kabyles de 2001. De façon générale, cela n'avait rien à voir avec le climat de soumission à la fatalité qui avait suivi le tremblement de terre de 1980. Le recours de Bouteflika à l'argument de l'impuissance humaine devant la volonté divine a plutôt choqué, les réponses étaient claires: "laisse tomber le Bon Dieu", "il a bon dos, le Bon Dieu"... Tout le monde rationalise et cherche des coupables humains.
- La mauvaise gestion des secours n'a pas dû arranger les choses.
Chawki Salhi - La responsabilité du pouvoir est immense dans l'incapacité à secourir, alimenter, abriter les familles sinistrées. La gestion est chaotique. Les dons, venus de partout, n'arrivent pas aux sinistrés: trafiquants laïques et islamistes s'entremettent. Le régime s'en est remis aux anciennes associations islamistes caritatives et à ceux qui se présentaient aux camions... Même la distribution de 1500 logements, offerts presque immédiatement, témoigne de la distance du pouvoir avec le peuple: des milliers de mal-logés (les victimes de précédentes catastrophes n'ont jamais été relogées par le gouvernement) ont envahi les listes et les centres d'hébergement d'urgence. Comme 200 chanceux ont réussi à obtenir des logements, plus personne ne veut rejoindre les centres de transit équipés; ils préfèrent rester pour avoir une chance d'être décemment logés. Tout cela est symptomatique de l'incurie du pouvoir.
- On avait l'impression d'une grande solidarité...
Chawki Salhi - Au sein de la population, certainement! Il y a eu un magnifique élan dans les premières heures, alors que le pouvoir ne réalisait pas l'ampleur du drame. Le dévouement a été massif pour sauver, déterrer les corps ensevelis, repêcher ceux que la mer rejetait contre les rochers de Bab El-Oued.
C'est au bulletin de télévision de 20 heures que le reste de la ville et du pays a appris la catastrophe; les officiels, eux, ont eu l'air de s'en apercevoir au bout de 24 heures. Des torrents de boue sont venus de tous les flancs déboisés par l'urbanisation sauvage, qui a commencé au temps de la colonisation. Bab El-Oued s'est développé depuis l'Algérie française au débouché d'un réseau fluvial. Une construction sauvage considérable a eu lieu depuis l'indépendance sur des flancs de montagne inconstructibles. Le FIS a contribué pour sa part au drame actuel en autorisant, pendant les deux années de sa gestion municipale, ces constructions.
- On parle également de canalisations bouchées...
Chawki Salhi - Les canaux ont-ils été bouchés depuis la fameuse chasse aux islamistes en 1997-1998? La population le dit. La presse reprend l'information, les officiels s'en défendent. En tout état de cause, ce canal n'aurait pas évité le drame: c'est une coulée de boue qui a dévalé vers la mer, ensevelissant des bâtiments entiers. Et de toute manière, le mauvais état du réseau d'égoûts d'Alger a été régulièrement dénoncé: en 2001, le budget exceptionnellement alloué à la réfection des canalisations s'élevait à 511 millions de dinars algériens; à titre de comparaison, l'organisation du Festival de la jeunesse en pleine révolte kabyle était estimée à 800 millions.
La responsabilité nous semble d'abord relever de l'urbanisation anarchique que toutes les gestions capitalistes partagent, depuis les colons, et dans le déboisement massif pour cause de chasse aux groupes islamistes armés. Mais rappelons que la catastrophe qui a traversé à Alger un quartier populaire qui n'aurait pas dû se trouver là, Bab El-Oued, a dévasté de nombreuses routes, ponts, etc., ailleurs! Cela s'est cumulé avec la crue centenaire, qui est une part de l'explication: on parle de 500000 m3 cubes d'eau arrivant dans une impasse.
Propos recueillis par Malika Aïche
- Quelles sont les réactions de la population d'Alger?
Chawki Salhi - La fureur est à son comble! Les visites d'officiels ont systématiquement provoqué des réactions de colère. Bouteflika a attendu trois jours pour oser se montrer et, quand il est arrivé, il s'est fait insulter, jeter des pierres et a provoqué la colère de quelque 200 jeunes qui sont parvenus jusqu'au centre-ville et au palais du gouvernement. Les mots d'ordre témoignaient de la mémoire des révoltes de 1988 et de celle des jeunes kabyles de 2001. De façon générale, cela n'avait rien à voir avec le climat de soumission à la fatalité qui avait suivi le tremblement de terre de 1980. Le recours de Bouteflika à l'argument de l'impuissance humaine devant la volonté divine a plutôt choqué, les réponses étaient claires: "laisse tomber le Bon Dieu", "il a bon dos, le Bon Dieu"... Tout le monde rationalise et cherche des coupables humains.
- La mauvaise gestion des secours n'a pas dû arranger les choses.
Chawki Salhi - La responsabilité du pouvoir est immense dans l'incapacité à secourir, alimenter, abriter les familles sinistrées. La gestion est chaotique. Les dons, venus de partout, n'arrivent pas aux sinistrés: trafiquants laïques et islamistes s'entremettent. Le régime s'en est remis aux anciennes associations islamistes caritatives et à ceux qui se présentaient aux camions... Même la distribution de 1500 logements, offerts presque immédiatement, témoigne de la distance du pouvoir avec le peuple: des milliers de mal-logés (les victimes de précédentes catastrophes n'ont jamais été relogées par le gouvernement) ont envahi les listes et les centres d'hébergement d'urgence. Comme 200 chanceux ont réussi à obtenir des logements, plus personne ne veut rejoindre les centres de transit équipés; ils préfèrent rester pour avoir une chance d'être décemment logés. Tout cela est symptomatique de l'incurie du pouvoir.
- On avait l'impression d'une grande solidarité...
Chawki Salhi - Au sein de la population, certainement! Il y a eu un magnifique élan dans les premières heures, alors que le pouvoir ne réalisait pas l'ampleur du drame. Le dévouement a été massif pour sauver, déterrer les corps ensevelis, repêcher ceux que la mer rejetait contre les rochers de Bab El-Oued.
C'est au bulletin de télévision de 20 heures que le reste de la ville et du pays a appris la catastrophe; les officiels, eux, ont eu l'air de s'en apercevoir au bout de 24 heures. Des torrents de boue sont venus de tous les flancs déboisés par l'urbanisation sauvage, qui a commencé au temps de la colonisation. Bab El-Oued s'est développé depuis l'Algérie française au débouché d'un réseau fluvial. Une construction sauvage considérable a eu lieu depuis l'indépendance sur des flancs de montagne inconstructibles. Le FIS a contribué pour sa part au drame actuel en autorisant, pendant les deux années de sa gestion municipale, ces constructions.
- On parle également de canalisations bouchées...
Chawki Salhi - Les canaux ont-ils été bouchés depuis la fameuse chasse aux islamistes en 1997-1998? La population le dit. La presse reprend l'information, les officiels s'en défendent. En tout état de cause, ce canal n'aurait pas évité le drame: c'est une coulée de boue qui a dévalé vers la mer, ensevelissant des bâtiments entiers. Et de toute manière, le mauvais état du réseau d'égoûts d'Alger a été régulièrement dénoncé: en 2001, le budget exceptionnellement alloué à la réfection des canalisations s'élevait à 511 millions de dinars algériens; à titre de comparaison, l'organisation du Festival de la jeunesse en pleine révolte kabyle était estimée à 800 millions.
La responsabilité nous semble d'abord relever de l'urbanisation anarchique que toutes les gestions capitalistes partagent, depuis les colons, et dans le déboisement massif pour cause de chasse aux groupes islamistes armés. Mais rappelons que la catastrophe qui a traversé à Alger un quartier populaire qui n'aurait pas dû se trouver là, Bab El-Oued, a dévasté de nombreuses routes, ponts, etc., ailleurs! Cela s'est cumulé avec la crue centenaire, qui est une part de l'explication: on parle de 500000 m3 cubes d'eau arrivant dans une impasse.
Propos recueillis par Malika Aïche