Rachid Chrii, syndicaliste et altermondialiste marocain (1), a décidé d'entamer une grève de la faim le 10 décembre prochain pour protester contre son emprisonnement et l'arbitraire dont il est victime.
Epuisé par de longs mois d'emprisonnement, indigné par l'arbitraire dont il est victime, le syndicaliste et altermondialiste marocain, Rachid Chrii vient d'annoncer sa décision d'entamer une grève de la faim à l'occasion du 55e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le 10 décembre prochain. Il exige d'être libéré et demande qu'une enquête soit ouverte concernant les circonstances de son enlèvement par la police politique, le 21 avril dernier.
Ce jour-là, dans un quartier populaire de Safi, Rachid a tenté de dissuader des policiers de brutaliser le jeune homme qu'ils venaient d'interpeller. Le lendemain, alors qu'il se rendait à son travail, cinq "sécuritaires" - c'est ainsi que l'on nomme la police politique au Maroc - se sont jetés sur Rachid et l'ont conduit les yeux bandés dans un endroit secret où ils lui ont fait subir les pires tortures : coups, décharges électriques, introduction d'une bouteille dans l'anus, etc. Quarante-huit heures plus tard, Rachid est présenté à un juge, lequel lui annonce qu'il est poursuivi pour commerce de haschich, protection de dealers et incitation à la rébellion. Malgré l'absence de preuves et la falsification du procès-verbal, le militant marocain a néanmoins été condamné à dix-huit mois de prison. Quant aux témoins à charges, ils ont avoué avoir essuyé menaces et tentatives de corruption. Les autorités marocaines n'ont rien voulu entendre des arguments de la défense, comme elles ont fait la sourde oreille devant les multiples manifestations de solidarité qui se sont exprimées (manifestations, sit-in massifs devant le tribunal, grèves, etc.). De toute évidence, Rachid Chrii a été sanctionné pour son engagement démocratique et social dans les quartiers populaires de Safi.
Au lendemain du 11 Septembre, et notamment depuis les attentats islamistes du 16 mai dernier, le régime marocain revient progressivement sur les quelques libertés accordées lorsque Mohamed VI est monté sur le trône. L'enquête sur les attentats a été l'occasion d'une vague d'arrestations dans les milieux islamistes (4 000 interpellations de "suspects" et près de 900 incarcérations). La torture a été pratiquée à une large échelle. Dans la foulée, une loi relative à "la lutte contre le terrorisme" a restreint les libertés et renforcé les pouvoirs de l'appareil sécuritaire. Les islamistes ne sont pas la seule cible de la répression. Ainsi, le journaliste Ali Lmrabet a-t-il été condamné à trois ans de prison pour "outrage au roi", des défenseurs des droits de l'Homme ont été également arrêtés, de même que des militants accusés de défendre l'indépendance du Sahara occidental. C'est ce que le nouveau roi a appelé "la fin de l'ère du laxisme".
Un "laxisme" qui aurait profité aux islamistes, dit-on dans certains milieux "modernistes" pour justifier la répression. Ces dernières années, les différentes composantes de l'islamisme marocain ont, certes, vu croître leur audience au sein des couches populaires au gré de l'application des recettes néolibérales prônées par le FMI et la Banque mondiale et appliquées par les partis libéraux et sociaux-démocrates, dans le cadre des accords de partenariat signés avec l'Union européenne. Mais le chômage massif (37 % des jeunes urbains âgés de 15 à 24 ans, 25 % des diplômés), la misère, le taux d'analphabétisme (près de 50 %), la croissance des différenciations sociales, tels sont les véritables maux du Maroc que la libéralisation économique en cours va encore aggraver. La "fin de l'ère du laxisme", pour utiliser l'euphémisme royal, vise bien évidemment la résistance sociale qui s'amorce. Une résistance qui vaut à Rachid d'être aujourd'hui derrière des barreaux.
Sadri Khiari
- Une pétition internationale pour la libération de Rachid Chrii circule. Pour la signer, s'adresser à :.
1. Secrétaire général du syndicat des ouvriers, employés et cadres des communes locales (CDT), membre du bureau local de l'Association marocaine des droits humains (AMDH, section de Safi), membre du Comité solidarité contre la mondialisation capitaliste (intégré depuis à Attac-Maroc) et activiste du quartier Saniat (un quartier populaire de Safi).
Rouge 2041 27/11/2003
Epuisé par de longs mois d'emprisonnement, indigné par l'arbitraire dont il est victime, le syndicaliste et altermondialiste marocain, Rachid Chrii vient d'annoncer sa décision d'entamer une grève de la faim à l'occasion du 55e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le 10 décembre prochain. Il exige d'être libéré et demande qu'une enquête soit ouverte concernant les circonstances de son enlèvement par la police politique, le 21 avril dernier.
Ce jour-là, dans un quartier populaire de Safi, Rachid a tenté de dissuader des policiers de brutaliser le jeune homme qu'ils venaient d'interpeller. Le lendemain, alors qu'il se rendait à son travail, cinq "sécuritaires" - c'est ainsi que l'on nomme la police politique au Maroc - se sont jetés sur Rachid et l'ont conduit les yeux bandés dans un endroit secret où ils lui ont fait subir les pires tortures : coups, décharges électriques, introduction d'une bouteille dans l'anus, etc. Quarante-huit heures plus tard, Rachid est présenté à un juge, lequel lui annonce qu'il est poursuivi pour commerce de haschich, protection de dealers et incitation à la rébellion. Malgré l'absence de preuves et la falsification du procès-verbal, le militant marocain a néanmoins été condamné à dix-huit mois de prison. Quant aux témoins à charges, ils ont avoué avoir essuyé menaces et tentatives de corruption. Les autorités marocaines n'ont rien voulu entendre des arguments de la défense, comme elles ont fait la sourde oreille devant les multiples manifestations de solidarité qui se sont exprimées (manifestations, sit-in massifs devant le tribunal, grèves, etc.). De toute évidence, Rachid Chrii a été sanctionné pour son engagement démocratique et social dans les quartiers populaires de Safi.
Au lendemain du 11 Septembre, et notamment depuis les attentats islamistes du 16 mai dernier, le régime marocain revient progressivement sur les quelques libertés accordées lorsque Mohamed VI est monté sur le trône. L'enquête sur les attentats a été l'occasion d'une vague d'arrestations dans les milieux islamistes (4 000 interpellations de "suspects" et près de 900 incarcérations). La torture a été pratiquée à une large échelle. Dans la foulée, une loi relative à "la lutte contre le terrorisme" a restreint les libertés et renforcé les pouvoirs de l'appareil sécuritaire. Les islamistes ne sont pas la seule cible de la répression. Ainsi, le journaliste Ali Lmrabet a-t-il été condamné à trois ans de prison pour "outrage au roi", des défenseurs des droits de l'Homme ont été également arrêtés, de même que des militants accusés de défendre l'indépendance du Sahara occidental. C'est ce que le nouveau roi a appelé "la fin de l'ère du laxisme".
Un "laxisme" qui aurait profité aux islamistes, dit-on dans certains milieux "modernistes" pour justifier la répression. Ces dernières années, les différentes composantes de l'islamisme marocain ont, certes, vu croître leur audience au sein des couches populaires au gré de l'application des recettes néolibérales prônées par le FMI et la Banque mondiale et appliquées par les partis libéraux et sociaux-démocrates, dans le cadre des accords de partenariat signés avec l'Union européenne. Mais le chômage massif (37 % des jeunes urbains âgés de 15 à 24 ans, 25 % des diplômés), la misère, le taux d'analphabétisme (près de 50 %), la croissance des différenciations sociales, tels sont les véritables maux du Maroc que la libéralisation économique en cours va encore aggraver. La "fin de l'ère du laxisme", pour utiliser l'euphémisme royal, vise bien évidemment la résistance sociale qui s'amorce. Une résistance qui vaut à Rachid d'être aujourd'hui derrière des barreaux.
Sadri Khiari
- Une pétition internationale pour la libération de Rachid Chrii circule. Pour la signer, s'adresser à :
1. Secrétaire général du syndicat des ouvriers, employés et cadres des communes locales (CDT), membre du bureau local de l'Association marocaine des droits humains (AMDH, section de Safi), membre du Comité solidarité contre la mondialisation capitaliste (intégré depuis à Attac-Maroc) et activiste du quartier Saniat (un quartier populaire de Safi).
Rouge 2041 27/11/2003