Après presque deux moiset demi de révolte, le mouvement en Kabylie ne présenteaucun signe d'essoufflement. Toutes les tentatives du pouvoirpour jouer l'essouflement et la division ont échoué.
La maturation de la révolteen Kabylie prend de l'ampleur un peu partout, et devient palpableà travers l'auto-organisation des populations, le contrôledes manifestations spontanées et leur structuration enmanifestations et marches organisées, ralliant ainsi leplus grand nombre. Les grandes mobilisations du lundi 25 juin,date anniversaire de l'assassinat du chanteur et militant MatoubLounès, démontrent encore une fois l'abnégationet la volonté populaires d'en découdre avec lesgénéraux et le président Bouteflika, et sontun avertissement sérieux à ce régime et àses larbins dans l'opposition.
L'échec du pouvoir
Le mouvement s'inscrit dansla durée, ce qui lui a permis de déjouer toutesles tentatives d'isolement, d'étouffement et de manipulationorchestrées par le pouvoir dès les premièresheures de l'insurrection. A travers la télévision(unique), Bouteflika et son gouvernement ont en effet tentéde raviver la division chauvine qui prévalait dans lesannées 1970 et 1980 entre masses arabophones et kabyles,en qualifiant le mouvement de colère d'actes de vandalismecommis par les habituels voyous kabyles. Mais les soulèvementsqu'ont connus plusieurs régions de l'Algérie (notammentl'Est du pays) ce dernier mois, les centaines de jeunes s'identifiantau mouvement de Kabylie et reprenant une partie de ses mots d'ordre,sont une gifle pour le pouvoir et marquent l'échec cuisantde cette tentative.
Le deuxième échec concerne la tentative de casserl'élan du mouvement en le réduisant à unesimple expression culturelle et identitaire. Certes, la revendicationculturelle et identitaire berbère reste forte et n'a jamaisquitté la rue depuis plus de vingt ans en Kabylie, maisle mouvement insurrectionnel de ces 70 jours pose des problèmessociaux qui concernent tous les Algériens. Le refus dela hogra (mépris), de la misère, du chômage,de l'humiliation, de la corruption et de l'arbitraire répressifest au centre de la colère. Le mouvement est bel et biensocial, et la lecture de la plate-forme de revendications d'ElKseur (localité de Béjaïa), adoptéepar la coordination de tous les comités de Béjaïa(quartiers, villages, syndicats de divers secteurs, universitaires),est en ce sens éloquente. Elle combine un volet démocratique,énumérant dans le détail les libertésfondamentales et culturelles, les droits des femmes, la libertéd'expression, et un volet social pointant les problèmesde logements sociaux, de travail, d'allocation pour les chômeurs,d'augmentation des salaires, de politique d'investissement etde relance du secteur d'Etat, etc.
Insurrection antilibérale
La réalité estcomplètement occultée par l'Occident et ses médiasqui, dans leur soutien à la politique du régimemilitaire algérien, se voilent la face en popularisantles mots d'ordre de la social-démocratie représentéepar le FFS (Front des forces socialistes), rendus tout simplementcaducs par la révolte populaire; ou alors ceux d'autrestendances libérales, en l'occurrence le RCD (Rassemblementpour la culture et la démocratie), qui jouit d'une popularitécertaine au sein de la droite française. L'auto-organisationdes populations a créé une situation de "doublepouvoir" et mis un frein aux réformes libéralesdu régime et des institutions impérialistes, déjàbattues en brèche par les grèves organiséespar les travailleurs des grands secteurs industriels depuis l'avènementde Bouteflika.
L'insurrection et son essence antilibérale sont un faitétabli aujourd'hui. Les charognards se font pressants.Le pouvoir algérien a tenté de faire porter le mouvementpar le FFS et le RCD (partis dits kabyles) pour le dévoyerde son objectif, en vain. Le rejet violent de ces deux partispar la population était patent dès les premièresheures de la révolte, et la gigantesque marche du 14 juin,organisée par la coordination interdépartementale,a rendu ridicules toutes ces tentatives. Malgré l'interdictionde toute marche à Alger, la date du 5 juillet est désormaisretenue par la coordination, et la réunion de Béjaïaqui se tiendra le 28 juin décidera des modalitéset de l'avenir immédiat.
Sami Zakaria
La maturation de la révolteen Kabylie prend de l'ampleur un peu partout, et devient palpableà travers l'auto-organisation des populations, le contrôledes manifestations spontanées et leur structuration enmanifestations et marches organisées, ralliant ainsi leplus grand nombre. Les grandes mobilisations du lundi 25 juin,date anniversaire de l'assassinat du chanteur et militant MatoubLounès, démontrent encore une fois l'abnégationet la volonté populaires d'en découdre avec lesgénéraux et le président Bouteflika, et sontun avertissement sérieux à ce régime et àses larbins dans l'opposition.
L'échec du pouvoir
Le mouvement s'inscrit dansla durée, ce qui lui a permis de déjouer toutesles tentatives d'isolement, d'étouffement et de manipulationorchestrées par le pouvoir dès les premièresheures de l'insurrection. A travers la télévision(unique), Bouteflika et son gouvernement ont en effet tentéde raviver la division chauvine qui prévalait dans lesannées 1970 et 1980 entre masses arabophones et kabyles,en qualifiant le mouvement de colère d'actes de vandalismecommis par les habituels voyous kabyles. Mais les soulèvementsqu'ont connus plusieurs régions de l'Algérie (notammentl'Est du pays) ce dernier mois, les centaines de jeunes s'identifiantau mouvement de Kabylie et reprenant une partie de ses mots d'ordre,sont une gifle pour le pouvoir et marquent l'échec cuisantde cette tentative.
Le deuxième échec concerne la tentative de casserl'élan du mouvement en le réduisant à unesimple expression culturelle et identitaire. Certes, la revendicationculturelle et identitaire berbère reste forte et n'a jamaisquitté la rue depuis plus de vingt ans en Kabylie, maisle mouvement insurrectionnel de ces 70 jours pose des problèmessociaux qui concernent tous les Algériens. Le refus dela hogra (mépris), de la misère, du chômage,de l'humiliation, de la corruption et de l'arbitraire répressifest au centre de la colère. Le mouvement est bel et biensocial, et la lecture de la plate-forme de revendications d'ElKseur (localité de Béjaïa), adoptéepar la coordination de tous les comités de Béjaïa(quartiers, villages, syndicats de divers secteurs, universitaires),est en ce sens éloquente. Elle combine un volet démocratique,énumérant dans le détail les libertésfondamentales et culturelles, les droits des femmes, la libertéd'expression, et un volet social pointant les problèmesde logements sociaux, de travail, d'allocation pour les chômeurs,d'augmentation des salaires, de politique d'investissement etde relance du secteur d'Etat, etc.
Insurrection antilibérale
La réalité estcomplètement occultée par l'Occident et ses médiasqui, dans leur soutien à la politique du régimemilitaire algérien, se voilent la face en popularisantles mots d'ordre de la social-démocratie représentéepar le FFS (Front des forces socialistes), rendus tout simplementcaducs par la révolte populaire; ou alors ceux d'autrestendances libérales, en l'occurrence le RCD (Rassemblementpour la culture et la démocratie), qui jouit d'une popularitécertaine au sein de la droite française. L'auto-organisationdes populations a créé une situation de "doublepouvoir" et mis un frein aux réformes libéralesdu régime et des institutions impérialistes, déjàbattues en brèche par les grèves organiséespar les travailleurs des grands secteurs industriels depuis l'avènementde Bouteflika.
L'insurrection et son essence antilibérale sont un faitétabli aujourd'hui. Les charognards se font pressants.Le pouvoir algérien a tenté de faire porter le mouvementpar le FFS et le RCD (partis dits kabyles) pour le dévoyerde son objectif, en vain. Le rejet violent de ces deux partispar la population était patent dès les premièresheures de la révolte, et la gigantesque marche du 14 juin,organisée par la coordination interdépartementale,a rendu ridicules toutes ces tentatives. Malgré l'interdictionde toute marche à Alger, la date du 5 juillet est désormaisretenue par la coordination, et la réunion de Béjaïaqui se tiendra le 28 juin décidera des modalitéset de l'avenir immédiat.
Sami Zakaria