Cest une grande victoire que vient de remporter le mouvement démocratique tunisien avec la remise d'un passeport à Taoufik Ben Brik, le correspondant en Tunisie de La Croix, en grève de la faim depuis le 3 avril. Le journaliste membre du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) est cependant toujours sous le coup d'une interdiction judiciaire de quitter le territoire. Son frère, Jalel Zoghlami, a été arrêté en guise de représailles. Taoufik Ben Brik poursuit donc sa grève, rejoint par ses cinq frères et surs, pour obtenir la libération de Jalel.
L'action du journaliste aura servi à la fois de révélateur et de catalyseur d'un malaise social profond et d'une crise au sommet de l'Etat qui devient de plus en plus manifeste. En décembre 1998, en commentant la fondation du CNLT, Rouge soulignait que cet événement s'inscrivait dans une dynamique, encore à peine ébauchée, de réactivation du mouvement démocratique, contemporain de l'apparition des premières fissures au sein du consensus qui avait permis à la dictature policière de durer jusque-là. Les émeutes lycéennes dans la ville de Gafsa, le réveil du mouvement étudiant, les premières formes de dissidence antibureaucratique à l'intérieur de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) ont confirmé l'existence de ce mécontentement.
Alors que le CNLT jamais reconnu légalement et constamment persécuté faisait preuve de plus en plus d'audace dans ses dénonciations du système policier1, des associations légales ont pu retrouver une certaine marge de manuvre. D'autres structures se sont créées, jamais reconnues par les autorités, comme le Comité pour la défense de H. Hamami2, le Raid ou le Forum pour le travail et la démocratie dirigé par Mustapha Ben Jaafar. D'autres réseaux militants se réaniment à l'intérieur de l'UGTT ou à l'université, autour notamment de la nébuleuse maoïste des "patriotes-démocrates". Les militants du PCOT et les trotskystes sont également actifs dans ses initiatives.
Quant aux islamistes, brisés par une répression sanglante, démoralisés par une défaite politique qu'ils ne prévoyaient pas, ils sont aujourd'hui absents comme mouvement de la scène politique.
L'expression la plus importante du mécontentement social et politique est incontestablement la mobilisation sans précédent des lycéens et des jeunes chômeurs en février dernier. La révolte, qui s'est étendue dans tout le Sud du pays, a rebondi en avril dans la capitale. Grèves dans les lycées, manifestations dans les rues de Tunis, ont été d'autant plus brutalement réprimées par la police que les slogans qui ont été scandés mettaient directement en cause Ben Ali. L'événement le plus récent est la grève générale des avocats, le 28 avril dernier, pour soutenir Taoufik Ben Brik et protester contre les violences subies par leurs confrères venus apporter leur soutien au journaliste. De nombreuses personnalités du mouvement démocratique ont d'ailleurs été passées à tabac par la même occasion (Sihem Ben Sedrine et Ali Ben Salem du CNLT, l'avocate Radhia Nasraoui, Khémais Ksila de la LTDH, etc.). Quelques jours plus tard, c'est au tour d'une délégation de journalistes français conduite par Reporters sans frontières d'être brutalisée par la police. La gestion policière de cette affaire aura contribué à discréditer encore plus l'image du régime de Ben Ali en Tunisie et sur le plan international.
Au Parlement européen, où la députée verte Hélène Flautre a déjà entamé un travail important de solidarité, nos camarades Alain Krivine et Roseline Vachetta sont également déjà actifs. Ils joindront leurs efforts aux autres députés lors de la prochaine session plénière à Strasbourg, pour demander notamment le vote d'une résolution d'urgence sur la question des droits de l'Homme en Tunisie.
Ali Abdallah
1. Voir son rapport annuel pour l'année 1999.
2. Porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie, condamné par contumace à 9 ans et demi de prison, il vit actuellement dans la clandestinité.
Rouge mai 2004
L'action du journaliste aura servi à la fois de révélateur et de catalyseur d'un malaise social profond et d'une crise au sommet de l'Etat qui devient de plus en plus manifeste. En décembre 1998, en commentant la fondation du CNLT, Rouge soulignait que cet événement s'inscrivait dans une dynamique, encore à peine ébauchée, de réactivation du mouvement démocratique, contemporain de l'apparition des premières fissures au sein du consensus qui avait permis à la dictature policière de durer jusque-là. Les émeutes lycéennes dans la ville de Gafsa, le réveil du mouvement étudiant, les premières formes de dissidence antibureaucratique à l'intérieur de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) ont confirmé l'existence de ce mécontentement.
Alors que le CNLT jamais reconnu légalement et constamment persécuté faisait preuve de plus en plus d'audace dans ses dénonciations du système policier1, des associations légales ont pu retrouver une certaine marge de manuvre. D'autres structures se sont créées, jamais reconnues par les autorités, comme le Comité pour la défense de H. Hamami2, le Raid ou le Forum pour le travail et la démocratie dirigé par Mustapha Ben Jaafar. D'autres réseaux militants se réaniment à l'intérieur de l'UGTT ou à l'université, autour notamment de la nébuleuse maoïste des "patriotes-démocrates". Les militants du PCOT et les trotskystes sont également actifs dans ses initiatives.
Quant aux islamistes, brisés par une répression sanglante, démoralisés par une défaite politique qu'ils ne prévoyaient pas, ils sont aujourd'hui absents comme mouvement de la scène politique.
L'expression la plus importante du mécontentement social et politique est incontestablement la mobilisation sans précédent des lycéens et des jeunes chômeurs en février dernier. La révolte, qui s'est étendue dans tout le Sud du pays, a rebondi en avril dans la capitale. Grèves dans les lycées, manifestations dans les rues de Tunis, ont été d'autant plus brutalement réprimées par la police que les slogans qui ont été scandés mettaient directement en cause Ben Ali. L'événement le plus récent est la grève générale des avocats, le 28 avril dernier, pour soutenir Taoufik Ben Brik et protester contre les violences subies par leurs confrères venus apporter leur soutien au journaliste. De nombreuses personnalités du mouvement démocratique ont d'ailleurs été passées à tabac par la même occasion (Sihem Ben Sedrine et Ali Ben Salem du CNLT, l'avocate Radhia Nasraoui, Khémais Ksila de la LTDH, etc.). Quelques jours plus tard, c'est au tour d'une délégation de journalistes français conduite par Reporters sans frontières d'être brutalisée par la police. La gestion policière de cette affaire aura contribué à discréditer encore plus l'image du régime de Ben Ali en Tunisie et sur le plan international.
Au Parlement européen, où la députée verte Hélène Flautre a déjà entamé un travail important de solidarité, nos camarades Alain Krivine et Roseline Vachetta sont également déjà actifs. Ils joindront leurs efforts aux autres députés lors de la prochaine session plénière à Strasbourg, pour demander notamment le vote d'une résolution d'urgence sur la question des droits de l'Homme en Tunisie.
Ali Abdallah
1. Voir son rapport annuel pour l'année 1999.
2. Porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie, condamné par contumace à 9 ans et demi de prison, il vit actuellement dans la clandestinité.
Rouge mai 2004